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Entre le jeu et le joueur : écarts et médiations
Barnabé, Fanny; Hurel, Pierre-Yves; Dupont, Bruno et al.
2023Presses universitaires de Liège, Liège, Belgium
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Keywords :
jeu vidéo; sciences du jeu; game studies; immersion; engagement; médiation; interface
Abstract :
[fr] Dans les discours de l’industrie (vidéo)ludique, de la presse ou du public, le jeu est régulièrement décrit comme un régime d’expérience marqué par l’immédiateté : immédiateté des plaisirs auxquels l’activité est censée faire accéder ; instantanéité de la prise en main – voire de la maîtrise – du système, promise par des interfaces dites « intuitives », des contrôles « organiques », un game design « affordant » ; ou encore, absence de frontières entre le jeu et les joueurs·euses, dont le rapport est le plus souvent décrit sous l’angle de l’immersion, de l’engagement, de la projection, de l’identification, etc. Or ce paradigme commun – par son omniprésence et par les présupposés qu’il active – occulte la complexité de ce qui se joue entre le jeu et les individus, la multiplicité des médiations qui agissent sur ces entités. Qu’on le décrive en tant qu’activité et expérience (play) ou en tant qu’objet et système (game), postuler le jeu comme « naturel » empêche d’étudier ses qualités de langage construit, de médium et d’acte de communication. Si de nombreux codes ludiques se sont aujourd’hui « lexicalisés » au point de ne plus être questionnés par les praticiens·ciennes (dans le sens où, à force d’avoir été partagés et répétés, ils se sont peu à peu figés pour entrer dans le « vocabulaire » du médium, à la manière d’un néologisme qui entre progressivement dans la langue courante), leur apparente évidence ou organicité ne doit pas faire oublier leur origine arbitraire. Entre le jeu et ses publics se dressent ainsi nombre de conventions qui ont été plus ou moins intériorisées et qui peuvent être source de plaisir comme de frustration, de vertige comme de confort (que ces codes soient graphiques, génériques, narratifs ou encore liés au gameplay et au contrôle, comme le fait de manipuler la caméra avec la main droite dans les jeux en vue à la première personne, par exemple). L’intégration de ces codes dans nos pratiques et le développement d’un goût plus ou moins marqué pour certains d’entre eux n’ont, en conséquence, rien d’immédiat : ils résultent d’un apprentissage et d’un travail d’appropriation réflexive (suivant différentes modalités, telles que celle de la dégustation ; Hurel, 2020), par lequel les praticiens·ciennes développent – individuellement ou collectivement – autant de styles de jeu (Boutet, 2012). La conception que nous avons de ce qu’est un (« vrai ») jeu est elle-même marquée par l’indirect, puisqu’elle résulte également d’une stratification d’apprentissages guidée non seulement par notre historique et nos préférences personnelles, mais aussi par notre environnement médiatique et par les champs culturels dans lesquels nous nous positionnons. Afin de mettre au jour le rôle que ces multiples intermédiaires exercent dans la construction des cultures ludiques, le présent ouvrage collectif propose donc d’étudier le jeu en tant qu’activité « médiate ». Au fil des chapitres, les autrices et auteurs s’intéressent à une variété d’éléments – acteurs ou activateurs – des pratiques des joueuses et joueurs : la fiche des personnages de jeux de rôle, les tutoriels, la musique, la « caméra » ou encore les périphériques. D’autres se penchent sur les dispositifs particuliers qui altèrent, enrichissent, transforment l’expérience de jeu : l’observation de parties en laboratoire, la réception des internautes, les ateliers de création collective… Ces objets, déjà transversaux, sont de surcroît approchés par des méthodes pluridisciplinaires : sciences de la réception, esthétique, musicologie, éducation aux médias, analyse du discours… L’ouvrage présente ces contributions complémentaires à l’aune des trois espaces qui composent conjointement l’expérience du jeu médié : l’« avant », le « pendant » et l’« autour ». L’« avant » concerne les éléments et phénomènes qui préexistent à l’expérience de jeu en elle-même et conditionnent sa réception, sa dégustation ou les représentations qu’en tissent les joueurs et joueuses. À ce titre, le présent ouvrage cherche notamment à déconstruire le paradigme de l’immersion, qui occulte potentiellement toute prise en compte des nombreuses médiations régissant les situations de jeu. Qu’il s’agisse de l’industrie (où l’immersion constitue une promesse et un argument commercial), de la presse (où elle est un critère d’évaluation) ou de la recherche académique, les commentateurs envisagent régulièrement l’activité ludique comme un modèle d’engagement total. Généralement postulée comme l’horizon désirable vers lequel toute pratique ludique devrait tendre, elle devient, bien souvent, le seul modèle explicatif par lequel sont envisagés les rapports des joueurs·euses au jeu. Une telle conception entre pourtant en tension avec les nombreuses théories (Henriot, 1969 ; Bateson, 1977 ; ou encore Bonenfant, 2013) qui permettent de penser l’attitude ludique comme une posture réflexive, découlant d’une prise de distance vis-à-vis de l’activité en cours. Le jeu est ainsi défini, non comme un espace isolé du réel, mais comme une médiation entre celui-ci et le public, comme un mode d’interaction « au second degré » avec le monde, où les actions réalisées et les objets manipulés ne sont plus des référents, mais des signes d’eux-mêmes. La première partie de l’ouvrage rassemble ainsi différentes approches qui permettent de penser et de décrire cette réflexivité consubstantielle du jeu. Dans le premier chapitre, Maude Bonenfant, s’attache à comprendre comment la ludification s’inscrit dans un processus communicationnel, en tant que message à interpréter, en recourant au concept de tiers symbolisant développé par Quéré (1982). Dans une optique similaire, Sébastien Genvo s’interroge ensuite sur ce qui permet au public de reconnaitre une œuvre comme un jeu à travers la notion d’ethos ludique, puis met à l’épreuve ce cadre théorique en l’appliquant à deux projets de recherche-création qu’il a réalisés. Repartant de l’opposition entre jeux persuasifs et jeux expressifs aussi utilisée par ce dernier auteur, Esteban Giner propose quant à lui un modèle d’analyse discursive (qui puise notamment dans les sciences de l’éducation) permettant d’analyser le play design comme acte de communication, et prend pour cas d’étude le jeu The Witness. Le chapitre suivant se confronte directement à la question de l’immersion : Gabrielle Trépanier-Jobin et le Groupe de recherche Homo Ludens y présentent un protocole d’observation de sessions de jeux en laboratoire, en interrogeant la manière dont ce contexte particulier peut conditionner l’expérience ludique. Estelle Dalleu prend en quelque sorte le chemin inverse, puisqu’elle explore dans son texte les dimensions spécifiquement réflexives et métaleptiques du jeu vidéo et propose ainsi une « Icodologie du métajeu vidéo ». Rémi Cayatte, enfin, revient sur la définition même du jeu en étudiant des pratiques ludiques paradoxales (de « non-jeu »), qui impliquent moins des médiations que des formes de ruptures entre les jeux et leurs utilisateurs ou utilisatrices. En s’intéressant à la notion d’écart, cet ouvrage collectif vise également à explorer les différentes couches de médiations matérielles existant entre le jeu et les joueurs·euses « pendant » l’activité. En effet, la relation se construisant entre les deux ne tombe pas, elle non plus, sous le régime de l’immédiateté. Qu’il s’agisse du support de jeu, de l’ergonomie de ses périphériques, des interfaces, de l’appareil paratextuel qui l’accompagne (packaging, guide de l’utilisateur, etc.), de l’environnement dans lequel évoluent les joueurs·euses (en deux ou en trois dimensions, en réalité augmentée ou virtuelle), de l’espace physique qui les sépare du dispositif ludique, ou encore de la corporalité qu’ils peuvent y adopter (prise en main, contrôle du point de vue, etc.), ces nombreux objets d’étude agissent comme autant de dispositifs de médiation, interrogeant ainsi la tension qui s’établit entre l’« ici » – le corps empirique du joueur ou de la joueuse faisant face à l’écran – et le « là » – sa présence au sein de l’univers de jeu. Ces intermédiaires, interfaces ou espaces de médiation peuvent d’ailleurs être envisagés comme autant de marges du jeu : le lecteur de livret de jeu (vidéo) est-il déjà, ou encore, en train de jouer ? Est-il dans une zone grise et transitoire, médiant des codes et des plaisirs de jeu, et invitant à interroger ou à stimuler ses désirs ludiques, sans toutefois relever de la même activité à proprement parler ? Ces questions sont notamment éclairées par le chapitre de Guillaume Baychelier, qui prend pour objet différents éléments paratextuels du jeu vidéo d’horreur (affiches, box art, vidéos publicitaires) et montre leur rôle dans la construction d’un imaginaire horrifique intermédiatique. David Javet et Yannick Rochat, pour leur part, s’intéressent à un élément davantage interfaciel, la feuille de personnage dans le jeu de rôle, et examinent la manière dont ce « motif ludique » construit et conditionne l’expérience de ce genre. Prolongeant ces questionnements sur les intermédiaires matériels entre jeux et joueurs·euses, Thomas Morisset propose d’examiner la valeur philosophique d’une comparaison régulièrement effectuée : celle entre les contrôleurs et les instruments de musique, afin de pointer les intérêts et limites de mettre en relation la musique et le jeu comme « expériences instrumentales ». Du côté des liens entre interfaces, instruments et corporalités, Selim Krichane retrace l’émergence et la lexicalisation de la notion de caméra dans le contexte du jeu vidéo, éclairant ainsi la manière dont le point de vue et les mouvements des joueurs·euses ont pu être conçus, construits et décrits au fil de l’histoire du médium. Charles Meyer, de son côté, analyse les fonctions jouées par l’interface sonore dans la construction d’une expérience ludique à la fois immersive et réflexive, en prenant pour cas d’étude le jeu Hellblade : Senua’s Sacrifice (2017, Ninja Theory). Ensuite, Guillaume Grandjean met au jour les effets médiateurs joués par l’espace vidéoludique et les diverses formes d’exploration que celui-ci peut favoriser. N’oublions pas, enfin, que le jouer s’inscrit dans un contexte culturel parsemé de pratiques périphériques, auquel participent de nombreux intermédiaires. La relation qui s’établit entre le jeu et les joueurs·euses se nourrit en effet de toute une série de médiations qui prennent place « autour » de l’activité stricto sensu, au premier titre desquelles celles de commenter, discourir, débattre, critiquer, patrimonialiser, exposer, catégoriser, créer ou modifier des jeux. Cet ouvrage s’interroge donc également sur les pratiques de médiation culturelle entourant le jeu vidéo, au sein des musées ou espaces de réflexion notamment, mais aussi sur les figures intermédiaires dont dépendent sa diffusion : journalistes, traducteurs, éditeurs, distributeurs… Plus précisément, les chapitres présents dans cette partie de l’ouvrage examinent la façon dont ces pratiques tierces font médiation de celle de jouer ; la manière dont ces actrices et acteurs influent sur le jeu et comment celui-ci marque, modifie et bouleverse leur métier en retour. Quel est le pouvoir exercé par la critique sur le discours du jeu vidéo, par le public sur les figures de la presse, ou encore par les réseaux de distribution sur la construction de l’industrie ? Comment une critique de jeu vidéo ou une exposition peuvent-elles faire passer l’« idée du jeu » (Henriot, 1969) et comment participent-elles à établir un bon goût ? Ou encore, du point de vue du public : dans quelle mesure la lecture d’un article ou la visite d’une exposition favorise-t-elle la réception du jeu ? À quel point l’expérience ludique permet-elle d’accompagner et de faciliter la réception de contenus muséaux ? Enfin, comment les communautés de ludophiles et l’activité ludique participent-elles à établir ou à remettre en question les consensus culturels sur les représentations des jeux vidéo, et des joueurs et joueuses à leur tour ? Maxime Verbesselt aborde ces questions à travers la présentation d’un atelier de création de jeux vidéo qui a été organisé dans le cadre d’un projet d’éducation aux médias : l’analyse du déroulement et des résultats de cet événement permet de montrer comment les joueurs et joueuses développent leur « littératie vidéoludique », comment ce développement peut être soutenu et facilité, et en quoi il conditionne l’expérience de jeu. Le chapitre de Nicolas Doduik complète ces réflexions en étudiant deux exemples de jeux créés dans un musée (le Mucem) : l’analyse révèle en effet l’important contraste qui existe entre le pouvoir médiateur que les institutions culturelles prêtent souvent au jeu (censé faciliter « naturellement » l’appropriation de contenus muséaux par les publics) et les expériences réelles des utilisateurs et utilisatrices (mobiliser un jeu vidéo dans un contexte muséal requiert effectivement une importante variété de compétences). Les trois derniers chapitres, pour leur part, se penchent sur différents acteurs intermédiaires de l’industrie et sur leur influence au sein des cultures ludiques. Colin Sidre met ainsi en lumière le rôle des distributeurs et revendeurs de jeux vidéo dans l’évolution de l’industrie vidéoludique française. Pierre-Yves Houlmont aborde, quant à lui, l’importance du traducteur pour la consommation du jeu vidéo, en examinant notamment comment les textes accompagnent les joueurs dans la prise en main de nouvelles conventions ludiques. Le chapitre de Michael Perret et Pierre-Yves Moret, enfin, revient sur la controverse qui avait entouré en 2017 le journaliste Dean Takahashi suite à une performance fastidieuse qu’il avait réalisée sur le jeu Cuphead (2017, StudioMDHR Entertainment) : à travers cette étude de cas sont exposés non seulement les liens entre la presse vidéoludique et l’industrie, mais aussi diverses formes de rapports de force qui peuvent se nouer entre ces dernières et les joueurs, et l’impact de ces rapports sur les imaginaires du jeu.
Research center :
Traverses - ULiège
Liège Game Lab
Disciplines :
Arts & humanities: Multidisciplinary, general & others
Editor :
Barnabé, Fanny  ;  Université de Liège - ULiège > Département médias, culture et communication > Humanités numériques et cultures vidéoludiques
Hurel, Pierre-Yves ;  Université de Liège - ULiège > Département médias, culture et communication
Dupont, Bruno  ;  Université de Liège - ULiège > Département de langues modernes : linguistique, littérature et traduction > Langue et littérature allemandes modernes
Dozo, Björn-Olav  ;  Université de Liège - ULiège > Centre informatique de Philosophie et Lettres (CIPL)
Krywicki, Boris ;  Université de Liège - ULiège > Département médias, culture et communication
Houlmont, Pierre-Yves  ;  Université de Liège - ULiège > Département de langues modernes : linguistique, littérature et traduction > Traduction de l'allemand vers le français
Surinx, François-Xavier  ;  Université de Liège - ULiège
Messina, Alexis  ;  Université de Liège - ULiège > Département médias, culture et communication > Humanités numériques et cultures vidéoludiques
Godfirnon, Maxime ;  Université de Liège - ULiège > Traverses
Hansen, Damien  ;  Université de Liège - ULiège > Centre Interdisciplinaire de Recherches en Traduction et en Interprétation (CIRTI)
Language :
French
Title :
Entre le jeu et le joueur : écarts et médiations
Publication date :
May 2023
Publisher :
Presses universitaires de Liège, Liège, Belgium
ISBN/EAN :
978-2-87562-361-4
Collection name :
Collection Jeu / Play / Spiel
Peer reviewed :
Peer reviewed
Available on ORBi :
since 22 December 2022

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