Abstract :
[fr] La question des voies de communication belges liée à la politique de défense du pays et aux plans de guerre des puissances voisines n’avait encore jamais fait l’objet d’une recherche systématique pour cette période importante qui s’étend de l’indépendance de la Belgique à l’aube du premier conflit mondial. L’étude de cette problématique est étroitement liée à celle des perceptions entretenues au sein des milieux diplomatiques et militaires des deux grandes puissances voisines de la Belgique ; la rivalité franco-allemande tout au long du 19e – début 20e siècle a en effet induit un questionnement continuel des diplomates et des hommes de guerre français et allemands sur le rôle de l’espace belge en cas de guerre future. Par un effet de balancier, ces perceptions étrangères ont elles-même influencé en retour les réflexions stratégiques de la diplomatie et du milieu militaire belge et in fine la politique défensive du pays. Afin de vaincre l’apparente hétérogénéité de l'objet d'étude comme les difficultés liées à la longueur de la période choisie, le concept de « traversée » du territoire belge entre la France et l’Allemagne s’est imposé comme l’axe de réflexion idéal, capable de réunir dans un même travail des événements divers de l’histoire militaire et diplomatique belge. Ainsi se détachent sur le « temps long » des constantes géopolitiques et géostratégiques liées à l’espace belge, à ses routes, chemins de fer et fortifications militaires. Les termini chronologiques choisis sont d’une part le traité des XXIV articles de 1839 et d’autre part le « Plan Schlieffen » (1905-1906). Néanmoins, pour des raisons d’unité, certaines thématiques débutent avant 1839 tandis que d’autres sont poursuivies jusqu’en 1914. C’est le cas de la problématique des nouvelles lignes de chemins de fer entre la Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et l’Allemagne, dont l’intérêt stratégique n’est pas évident si l’on choisit de s’arrêter arbitrairement à 1905. Pareillement, la problématique des plans du Génie belge pour interrompre les ponts de la Meuse et les tunnels ferroviaires en cas de conflit a été poursuivie jusqu’en 1914 pour conserver toute sa pertinence. En revanche, concernant l’étude des plans de guerre, la date de 1905-1906 a été privilégiée pour des raisons historiographiques justifiées dans notre introduction. Un des objectifs principaux de cette thèse est en effet de présenter et d’analyser l’évolution des plans français et prusso-allemands depuis 1839 dans leur relation avec la Belgique jusqu’au moment où l’on a dit admettre la violation de la neutralité belge comme un fait inéluctable. « Comment en est-on arrivé là ? », telle est la question à laquelle nous répondons. Sur le plan diplomatique, cette transition stratégique correspond aux débuts de l’Entente cordiale et à la conférence d’Algésiras, événements qui viennent complexifier la problématique du plan de guerre français par l’envoi hypothétique d’un corps expéditionnaire britannique appelé à opérer éventuellement en Belgique. En Allemagne, cette date charnière correspond à la retraite du général Alfred von Schlieffen. Un des autres aspects novateurs de cette thèse est d’étudier, parallèlement au processus d’élaboration des plans de guerre, l’évolution de l’infrastructure ferroviaire belge et de ses relations avec les pays limitrophes. Nous prouvons en définitive que l’évolution du réseau belgo-allemand, principalement dans la région Eifel/Ardennes, a eu une grande influence sur les plans d’Etat-major du début du 20e siècle. La fameuse « trouée du Luxembourg » les conduit à assumer progressivement le passage par la Belgique comme une future réalité de guerre. Enfin, malgré cette date charnière de 1905-1906, il nous a paru intéressant de problématiser ensuite dans un épilogue non exhaustif la question des plans français et allemands de l’immédiat avant-guerre, toujours en relation avec la traversée du territoire belge. Le chercheur y trouvera, nous le pensons, d’utiles pistes de réflexion pour des études ultérieures.