Abstract :
[fr] L’un principaux moteurs des apprentissages est le partage social [1] grâce auquel nous apprenons via les expériences d’autrui. Toutes les expériences qui nous sont rapportées ne sont cependant pas exactes. Afin de pouvoir déterminer si les souvenirs d’expériences passées rapportés par autrui sont pertinents, l’être humain a développé des processus de monitoring interpersonnels lui permettant de juger la fidélité et l’exactitude des souvenirs d’autrui. Récemment, les études menées chez l’adulte ont mis en évidence un lien entre la présence d’informations concernant les émotions et de détails perceptuels et contextuels et un jugement de fidélité favorable [2][3], ce lien n’a pas encore été établi chez l’enfant. L’objectif de cette étude sera de déterminer si les enfants sont capables de poser ce type de jugement et d'explorer les indices (valence, spécificité) qu’ils utilisent pour guider ces jugements. Pour ce faire, il a été demandé à 51 enfants âgés de 4 à 8 ans (27 filles; Mage = 6.58 ans; E.T.=1.53) de juger la fidélité de six récits rapportés par d’autres enfants variant en termes de valence émotionnelle (positive ou neutre) et contrebalancés pour la spécificité (les enfants pouvaient recevoir soit une version détaillée soit une version non détaillée de chaque récit). Un modèle mixte a été réalisé afin d’examiner l'effet de ces deux facteurs ainsi que de l’âge des participants sur les jugements de fidélité. Les résultats ont mis en évidence un effet significatif de la valence émotionnelle, b=.22, SE=.08, t=2.63, p=.01, ainsi qu’un effet d’interaction entre spécificité et valence, b=-.37, SE=.19, t=-2.01, p=.05, sur les jugements de fidélité. Concrètement, nos données révélaient qu’en l’absence de détails perceptuels et contextuels, les enfants jugeaient les récits avec valence émotionnelle positive comme plus fidèles que les récits avec valence émotionnelle neutre, mais uniquement si les souvenirs étaient non détaillés. Quand le récit contenait davantage de détails épisodiques, les souvenirs neutres et positifs étaient jugés tout aussi fidèles, suggérant un rôle modérateur des détails contextuels et perceptuels sur l’effet de la valence émotionnelle.
Dans l’ensemble, ces résultats apportent un éclairage sur les indices mnésiques qui sont utilisés par les enfants quand ils doivent juger les souvenirs d’autrui. Une exploration plus approfondie des variations liées à l’âge est cependant encore nécessaire pour mieux comprendre l’émergence et le développement de ces processus durant l’enfance.