Le langage décontextualisé des professionnels de la petite enfance durant la lecture d’histoires et les jeux libres en crèche

Contexte : Le langage décontextualisé, caractérisé par des échanges évoquant des événements passés, futurs ou fictifs, ou proposant des explications, est un levier essentiel du développement langagier (Demir et al., 2015 ; Rowe & Snow, 2020 ; Uccelli et al., 2019). Ce développement s’explique notamment par sa complexité linguistique (Brinchmann et al., 2023), mais aussi par les défis conceptuels qu’il implique (Curenton & Justice, 2004 ; Demir et al., 2015). Si son rôle est bien documenté chez les enfants d’âge maternelle, il reste peu étudié chez les moins de trois ans, surtout en contexte collectif (Ødegaard, 2006; Brand et al., 2024). En crèche, les interactions entre professionnel·les et enfants sont pourtant essentielles pour soutenir l’émergence du langage décontextualisé. A l’école maternelle, les données montrent que certaines activités favorisent davantage l’utilisation du langage décontextualisé, avec une occurrence plus importante lors de la lecture d’histoires comparativement aux jeux libres (Gest et al., 2006). À notre connaissance, aucune étude n’a encore exploré cette comparaison en crèche. Objectifs : Cette étude a donc pour objectif d'examiner le nombre d’occurrences de langage décontextualisé dans les échanges professionnel·les-enfants, lors de jeux libres (N=18) et de la lecture d’histoires (N=18) en crèche. Méthodologie : Les interactions entre professionnel·les et enfants âgés de 15 à 36 mois ont été filmées sur une matinée dans 18 crèches françaises. À partir de ces enregistrements, des extraits de 15 à 20 minutes ont été sélectionnés, incluant 18 séquences de jeux libres et 18 de lecture d’histoires. Les vidéos ont été transcrites, puis analysées à l’aide d’une grille de codage afin de quantifier et d’examiner les niveaux d’abstraction du langage décontextualisé (Røe-Indregård et al., 2022). Résultats : Un test-t pour échantillons appariés comparera les moyennes des scores obtenus dans les deux activités cibles. Nous prédisons un faible nombre d’occurrences dans les deux activités, mais davantage d’occurrences lors de la lecture d’histoires (Gest et al., 2006). Implications : Nos résultats, qui montrent que la qualité de l’input langagier varie selon les activités, peuvent guider les logopédistes dans l’accompagnement parental et la collaboration avec les équipes éducatives. En crèche, par exemple, tirer parti des spécificités des jeux libres et de la lecture d’histoires permettrait aux professionnel·les d’encourager et d’utiliser le langage décontextualisé afin de mieux préparer les enfants à une communication plus formelle, essentielle à leur entrée à l’école.