Abstract :
[fr] La segmentation d'événements consiste à découper le flux continu de nos activités quotidiennes en événements distincts (Richmond et al., 2017). Une segmentation non-normative (c’est-à-dire identifier des segments à d’autres moments que la plupart des individus) s’est révélée associée à de moins bonnes performances mnésiques chez des patients cérébrolésés (Zacks et al., 2016). L’objectif de cette étude était de déterminer si des difficultés de segmentation (mesurées sur un événement vécu ; Jeunehomme & D’Argembeau, 2020) sont associées à une moindre qualité des souvenirs d’évènements personnels collectés par échantillonnage d’expériences de la vie quotidienne.
Pour cela, sept patients ayant une lésion cérébrale acquise (étiologies multiples) et leurs contrôles appariés ont réalisé une série d'actions au sein d’un bâtiment universitaire avec une caméra portative. Une semaine plus tard, ils visionnaient la vidéo de leur parcours et il leur était demandé de la segmenter en événements significatifs. Pour évaluer les souvenirs quotidiens des participants, des questions leur étaient envoyées sur leur smartphone 5 fois par jour durant une semaine à propos de ce qu'ils faisaient au moment-même (les personnes avec qui ils étaient, les émotions qu'ils ressentaient, le lieu où ils se trouvaient, etc.). À la fin de la semaine, il leur était demandé de rapporter verbalement 5 de ces événements personnellement vécus de manière aussi détaillée que possible. Un score d’exactitude a été obtenu en comparant les informations rapportées verbalement à celles encodées dans l'application.
Les scores d’accord de segmentation étaient significativement plus faibles pour le groupe clinique que le groupe contrôle (t = -4,35 ; p <.001 ; d = -2,02) et leurs souvenirs d'événements quotidiens étaient davantage imprécis (t = -2,31 ; p = 0,03 ; d = -1,07). Une régression linéaire explorant si le score de segmentation prédisait la performance mnésique réalisée sur l'ensemble de l'échantillon ne s’est pas révélée significative (t = 0,96 ; p = 0,35 ; r = 0,22), mais cela pourrait s'expliquer par la taille de l’échantillon.
Ces résultats préliminaires semblent donc confirmer les difficultés de segmentation des patients cérébrolésés. Un échantillon plus important nous permettra de déterminer si ces difficultés sont prédictives des performances mnésiques dans la vie quotidienne, ce qui pourrait suggérer de nouvelles pistes de revalidation visant à entraîner les patients à segmenter de manière plus normative dans le but de réduire leurs difficultés mnésiques.