Suétone et la legenda nigra des Césars : le traitement de la langue et des lettres des pessimi principes

L'étude du traitement des pessimi principes des Vies des XII Césars de Suétone, chevalier romain et haut fonctionnaire impérial des Ier et IIe s., apporte un éclairage particulier sur la composition de l'œuvre. L’analyse se concentre particulièrement sur la représentation des goûts culturels, du style, des aptitudes intellectuelles, des écrits et du langage. Celle-ci dépend fortement de l’idéal politique de l’auteur : la figure de l’Optimus Princeps, associée à Auguste dans ce corpus. En effet, l’Optimus Princeps est un mécène littéraire, qui encourage les talents de son époque et qui sait mettre en harmonie des compétences littéraires avérées avec ses aptitudes politiques. En analysant les Vies de Caligula, Néron, et Domitien, et en les comparant aux textes d’autres auteurs (i. e. Tacite, Dion Cassius…), il est possible de mettre en lumière les stratégies narratives utilisées par Suétone pour façonner la perception de ces empereurs du Ier s. Des éléments tels que la minutieuse sélection d'exempla, la rupture avec les structures conventionnelles du corpus et l'utilisation du grec pour accentuer certaines anecdotes émergent comme des outils rhétoriques essentiels. Suétone adopte donc une perspective profondément politique, orientée et située. Il contribue ainsi à une histoire intellectuelle des empereurs romains empreinte du contexte socio-historique dans lequel elle a été élaborée. Aussi la perspective qu’il adopte se marque-t-elle dans les futures biographies impériales et l’image peu flatteuse de ces personnages qui persiste encore aujourd’hui. De fait, il est un acteur prépondérant de la transmission de la mémoire des Césars. Un examen attentif révèle, en définitive, la complexité de la composition de Suétone et souligne son influence durable sur la représentation de ce que devaient être les compétences linguistiques et littéraires des dirigeants romains.