Abstract :
[fr] Les entreprises recourent de plus en plus à des travailleurs externes (intérimaires, freelances, salariés de sous-traitants « body-shoppés ») pour occuper des fonctions auparavant réservées à leur personnel salarié. Si cette évolution reste scientifiquement peu documentée, de premières recherches montrent qu’une telle stratégie de « blended workforce » n’est pas sans conséquence sur la conduite des organisations (Dong et Ibrahim 2017; Cascio et al., 2017, Cross et Swart, 2021).
Cette thèse explore le concept de « Total Workforce Management » (TWM), c’est-à-dire la
gestion de toutes les ressources humaines dont dispose l’entreprise. Elle vise, d’une part, à mieux comprendre les modalités institutionnelles de cette nouvelle pratique de gestion et, d’autre part, à identifier la distribution des rôles en la matière. Deux cadres d’analyse spécifiques ont été mobilisés pour répondre à cette double question de recherche : la théorie néo-institutionnelle (Di Maggio et Powell, 1983) et la théorie de la régulation sociale (Reynaud, 1998).
La revue de littérature montre que le concept émergent de TWM peut être appréhendé par le prisme de six dimensions a priori indépendantes : le partage d’infrastructure, l’indifférenciation, la formalisation, la socialisation, la conformité organisationnelle et la centralisation. Elle identifie également les enjeux RH que posent ces dimensions en matière de statut, de contenu et de conditions de travail des travailleurs externes.
La démarche empirique s’appuie sur une méthodologie mixte (quantitative et qualitative). Une enquête auprès de 239 entreprises permet, via l’analyse par clustering, de dégager trois profils type de répondants en matière de TWM, selon le degré d’inclusion et de maîtrise de leurs pratiques de TWM : les dynamiques, les pragmatiques et les transactionnels. Les résultats sont approfondis par trois monographies sélectionnées en regard de ces profils-types. Leur analyse permet non seulement de comprendre les pressions isomorphiques qui incitent les organisations contemporaines à adopter ces pratiques de TWM, mais surtout d’identifier les jeux de pouvoir qui les façonnent, ainsi que les enjeux RH qu'elles recouvrent.
Le travail s’achève par une série de recommandations susceptibles d’aider les entreprises à mettre en place une politique de TWM adaptée à leur environnement et aux spécificités de leur contexte organisationnel.