Praticiens, chercheurs, responsables politico-administratifs ensemble dans la construction de savoirs

Dans le secteur de l'accueil et de l'éducation des jeunes enfants, de plus en plus de professionnels, formateurs, décideurs et chercheurs sont engagés dans des actions visant le développement d'une qualité des services en réponse aux recommandations internationales comme celles de l'Union européenne ou de l'OCDE. Si ces actions peuvent soutenir un processus de professionnalisation et d'amélioration d’une qualité d’accueil pour tous, elles risquent aussi de contribuer à une normalisation des pratiques éducatives en accord avec des standards internationaux qui ne font pas suffisamment de place au développement et à la reconnaissance des initiatives locales alternatives (Moss & Urban, 2017). Dans de nombreux pays, il est désormais attendu la diffusion de « bonnes pratiques » qui auraient fait leur preuve sans suffisamment investir les démarches d'accompagnement des pratiques en contexte, elles- mêmes potentiellement sources de transformation de pratiques et de production de savoirs. Pourtant, des pratiques mises en oeuvre dans un lieu risquent d'être vidées de leur sens et de ne pas produire l’effet escompté quand elles sont appliquées dans un autre contexte que celui où elles ont été conçues. Elles peuvent aller à l’encontre de démarches réflexives pourtant recherchées. Ceci montre l'importance de concevoir des dispositifs d'accompagnement réunissant chercheurs, formateurs, professionnels de terrain et décideurs dans des dynamiques de projet permettant de concevoir, mettre en oeuvre et analyser ensemble les effets des pratiques en vue de régulations (et non de leur régularisation) (Pirard, 2007). S’ils prennent en compte les prescrits en vigueur, les savoirs des différentes disciplines ainsi que les points de vue des enfants, des familles, des professionnel-le-s, des responsables politico-administratifs sur les orientations à privilégier dans chaque service, de tels dispositifs favorisent une analyse de l’activité qui ne se réduit jamais à une simple application de références externes (Pirard, Camus & Barbier, 2018). Fondée sur l’analyse d’un dispositif d’accompagnement professionnel en réseau sur la place des pères dans des crèches et des lieux de rencontre enfants-parents en Fédération Wallonie- Bruxelles, notre communication montre comment des professionnel-le-s de différents services, des responsables politico-administratifs et chercheur-e-s de différentes disciplines (sciences de l’éducation, psychologie, sociologie, anthropologie de l’enfance) se mettent ensemble en recherche à partir d’une problématique commune, suscitant prise de recul et de conscience, remise en question et recadrages propices à d’autres manières de penser et d’agir. Ce projet de recherche-action-formation est soutenu par l’ONE Academy, une initiative développée par l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) en étroite collaboration avec les universités francophones de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans l’objectif d’encourager la co-construction de savoirs entre chercheur-e-s et professionnel-le-s de terrain dans le champ de l’enfance. L’ONE Academy espère renforcer l’adéquation des apports des recherches à la diversité des terrains ainsi que leur appropriation ou, le cas échéant, leur adaptation par les professionnel-le-s. Si l’ONE Academy favorise la polyphonie des savoirs et des pratiques, elle implique une modification du positionnement des parties prenantes (chercheur-e-s, professionnel-le-s de terrain et décideurs) et une souplesse dans le rapport au temps de la recherche et de l’action de terrain. Ce premier projet soutenu par l’ONE Academy met notamment en évidence l’importance du processus de dé- et co-construction des pratiques analysées dans la spécificité de leur contexte pour susciter conjointement une prise de conscience de certaines croyances, une remise en question des représentations et des images des pères et une transformation de pratiques qui les concernent dans les crèches et les lieux de rencontres enfants-parents.