Abstract :
[fr] La présente recherche se situe au croisement de plusieurs traditions disciplinaires – les sciences du jeu, les études littéraires, la rhétorique, les cultural studies – et de plusieurs objets – le jeu, le détournement, les fanfictions, machinimas, speedruns, let’s plays et mods. Sans prétendre opérer ici leur synthèse ou leur conciliation, nous tenterons de dégager, entre ces différents domaines, de nouvelles ouvertures : nous montrerons, en circulant parmi eux, qu’ils sont pris dans des tensions, des dynamiques, des questionnements similaires et, surtout, centraux pour la compréhension de la culture populaire contemporaine.
Plusieurs objectifs nous animent : définir le détournement et, à travers lui, éclairer sous un autre jour le fonctionnement du jeu ; développer un métadiscours à même de soutenir l’analyse des œuvres produites par les joueurs ; enfin, par la même occasion, défendre l’intérêt d’étudier de près ces œuvres amateurs, trop souvent délaissées par la recherche au profit des pratiques, et qui sont pourtant des épicentres essentiels autour desquels se développent les cultures ludiques. La poursuite de ces objectifs, toutefois, ne va pas sans soulever des questions complexes, qui traversent toute la thèse : quels parallèles et quelle frontière établir entre le détournement et le jeu ? Comment une œuvre est-elle reconnue, étiquetée, classée comme un détournement ? Qu’est-ce au juste qu’une œuvre dans un domaine où l’intertextualité, la reprise, la réinterprétation sont des normes ? Avec quels outils décrire les formes du détournement, et qu’ont en commun les genres disparates regroupés sous cette dénomination ?
Nous traiterons ces diverses interrogations en deux temps. La première partie de la thèse, qui comporte deux sous-sections, en constituera le socle théorique : un premier chapitre y aborde les relations intimes entre jeu et détournement, tout en resituant notre recherche dans les différents champs qu’elle fait se croiser ; le second chapitre s’attache à la constitution d’un cadre métadiscursif inspiré de la rhétorique, visant à définir ce que pourraient être des « figures » du détournement vidéoludique. La deuxième partie, plus analytique, servira d’application au cadre précédemment construit, en montrant son utilité sur des études d’œuvres concrètes. Celles-ci sont réparties en trois grandes catégories : les détournements par le play (let’s plays, speedruns, tool-assisted speedruns et machinimas), les détournements du game (fanfictions et mods) et les recontextualisations (« Twitch plays… »). Par ailleurs, en guise de fil conducteur, toutes ces œuvres – de formes et de genres variés – auront pour point commun essentiel d’être dérivées d’un même univers fictionnel : celui de la licence Pokémon.