Abstract :
[fr] La jurisprudence Salduz est en passe de bouleverser la procédure pénale belge. Dans l’attente d’une législation qui organise l’assistance de l’avocat lors du premier interrogatoire du suspect, les contours de cette assistance posent problème, mais c’est surtout l’admissibilité non seulement des aveux recueillis en l’absence d’avocat, mais aussi des autres preuves obtenues dans la foulée ou indépendamment de ces aveux qui jette le trouble. Essai de synthèse.
Commentary :
Le commentaire qui met en perspective la jurisprudence Salduz et l'arrêt Gäfgen c Allemagne de la Cour européenne des droits de l'homme se construit comme suit : 1- Nul n’ignore plus que par l’arrêt Salduz c. Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur la présence de l’avocat dès l’arrestation judiciaire d’un suspect. En effet, dans cet arrêt, la Cour strasbourgeoise rappelle que l’article 6 de la Convention exige notamment que tout suspect puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police en particulier si, selon la législation nationale, l’on peut attacher à l’attitude du suspect des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense au cours de la procédure pénale ultérieure. La Cour ajoute que ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s’agit, en réalité, d’apprécier au cas par cas si, à la lumière de l’ensemble de la procédure, la restriction a privé le prévenu d’un procès équitable. Un tel raisonnement s’inscrit dans la jurisprudence habituelle de la Cour.
La nouveauté réside dans le fait, pour la Cour, de déclarer qu’un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles elle prête une attention particulière puisqu’il assure l’effectivité du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et du droit d’être protégé contre toute coercition abusive. Vient, ensuite, le point d’orgue de son raisonnement lorsqu’elle énonce que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6, § 1er, de la Convention impose, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Pareille restriction — quelle que soit sa justification — ne doit cependant pas indûment préjudicier le droit découlant, pour le prévenu, de l’article 6 de la Convention. La Cour ajoute, au demeurant, qu’il est, en principe, porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.
Cet arrêt, rendu par la grande chambre de la Cour, ne pouvait passer inaperçu dans les États membres du Conseil de l’Europe qui, de manière systématique, empêchent une personne privée judiciairement de sa liberté d’avoir accès à un avocat. Sa lecture — il fallait s’y attendre — n’a pas manqué de donner lieu à des interprétations divergentes et a suscité différentes questions quant aux contours du principe de l’assistance de l’avocat.
2. - Dans un premier temps, c’est à ces questions que nous nous attacherons. Il s’imposera ensuite d’examiner, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne, la problématique de la sanction de l’absence d’avocat, ainsi que ses conséquences sur les preuves recueillies au cours de l’instruction préparatoire. Cette question est particulièrement épineuse; elle nous obligera à faire un détour par l’arrêt Gäfgen c. Allemagne qui place probablement quelques balises dans une forêt difficile à dompter. Pour terminer, nous étendrons notre réflexion à la question plus générale de l’impact des preuves reçues en violation d’une disposition de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’équité du procès.