Accès matériel et circulation institutionnelle des éditions de spiritualité rhéno-flamande au sein des collèges jésuites des Pays-Bas (XVIIe siècle)

Si l’influence de la spiritualité rhéno-flamande sur la pensée d’Ignace de Loyola n’est plus à démontrer, la circulation sous forme imprimée de ces courants de pensée au sein de la Compagnie de Jésus n’a pas encore fait l’objet de recherches. L’activité des jésuites en tant qu’auteurs de littérature spirituelle est pourtant bien connue : les œuvres de Luis de La Puente, Maximilien van der Sandt ou encore Jean-Joseph Surin ont en effet rencontré un succès éditorial immense. La diversité des formes de spiritualité a même mené à des débats au sein de l’ordre, marginalisant une frange d’auteurs d’orientation mystique au profit d’une interprétation plus apostolique de la spiritualité. Ces controverses ne peuvent avoir eu lieu sans un accès matériel à des sources de première main, manuscrites ou imprimées.
Cette communication entend contribuer à l’étude de cette réception organisée à l’échelle de l’ordre en envisageant spécifiquement le rapport des jésuites au livre imprimé. Une double approche sera proposée : celle des bibliothèques de collège, et celle de la circulation d’une édition jésuite de l’Imitatio Christi. En résulteront deux points de vue complémentaires des modes d’appropriation de cette littérature par la Compagnie de Jésus. À l’aide de dix catalogues de bibliothèques rédigés au milieu du XVIIe siècle, nous nous interrogerons d’abord sur la présence, dans les collèges des Pays-Bas, d’impressions de textes spirituels rhéno-flamands édités par des auteurs de la Compagnie. Une comparaison avec les éditions classiques (principalement cartusiennes) de ces textes dans ces bibliothèques permettra de mettre en lumière différents axes d’approvisionnement. L’isomorphisme de ces collections sur le plan de la littérature spirituelle mènera par ailleurs à dégager une éventuelle politique institutionnelle au sein de l’ordre ignatien et servira de tremplin pour le second axe annoncé, où l’approche inverse sera envisagée. Nous partirons de l’édition de l’Imitatio Christi par le jésuite dinantais Henri de Sommal et apprécierons sa réception à l’échelle de l’Europe catholique. Les rééditions et traductions de cette leçon gallo-belge de l’œuvre de Thomas a Kempis, ainsi que les rares variations de sa composition et de sa mise en page, seront étudiées dans la perspective d’un canon typographique jésuite et de l’institutionnalisation d’une version autorisée du texte.
Cette étude conjointe de la présence d’œuvres spirituelles rhéno-flamandes dans les bibliothèques de collège et de la circulation interne à l’ordre d’une édition jésuite de l’Imitatio Christi contribuera à historiciser la réception de cette littérature dans l’Europe post-tridentine, en interrogeant le caractère institutionnalisé de sa circulation au sein d’une Compagnie qui en a tant fait usage.