Sermone Graeco quamquam alioqui promptus et facilis… (SUET., Tib., 71) : la transformation du paysage linguistique sous les Julio-Claudiens

Comme l’exposait déjà Jacques Gascou, les Vies des XII Césars de Suétone enrichissent notre connaissance de l’histoire romaine notamment par l’intérêt qu’elles portent à la culture et à la langue des empereurs. Nous savons que l’auteur des Vies des Césars cultivait une curiosité certaine à l’égard des questions linguistiques. Le sujet de plusieurs œuvres qui lui sont attribuées en attestent. Aussi se fait-il le rapporteur indirect d’une (r)évolution majeure du Ier s. ap. J.-C. : l’établissement de fait d’un bilinguisme dans l’État impérial. Ce mouvement de fond témoigne d’une ouverture sur le monde et la culture des Grecs. Il débute avec Auguste et achève sa transformation sous le règne de Claude. Ce faisant, il laisse une trace durable et affecte le regard que Suétone porte sur ses Césars. Bien que philhellène, il reste un homo Romanus. En conséquence, il défend la position du « juste milieu » et juge sévèrement les empereurs qui s’écartent de son modèle indépassable : Auguste. Par l’analyse de la représentation des goûts culturels, du style, des aptitudes intellectuelles, des écrits et du langage d’Auguste, de Tibère et de Claude, et par la comparaison avec les textes d’autres auteurs (i. e. Tacite, Dion Cassius…), l’on est en mesure de cerner les habitus linguistiques des membres les plus éminents de la société romaine. En somme, la redéfinition de la relation du pouvoir avec la langue et la culture grecques marque un changement du contexte socio-culturel dans lequel évolue l’aristocratie romaine.