Abstract :
[fr] L’analgésie péridurale est la technique de référence en matière d’analgésie obstétricale et les anesthésiques locaux constituent la pierre angulaire des mélanges analgésiques utilisés. Cependant, utilisés seuls, ils requièrent l’utilisation de concentrations élevées responsables d’un bloc moteur préjudiciable sur le plan du mode d’accouchement et de la satisfaction maternelle. L’utilisation d’un adjuvant permet de réduire les besoins en anesthésiques locaux et le bloc moteur qui y est associé. Parmi les adjuvants ayant fait la preuve de leur efficacité, les opiacés liposolubles (fentanyl et sufentanil) sont les plus couramment utilisés. La clonidine est aussi proposée dans cette indication de même que l’adrénaline et plus récemment la néostigmine. Ces adjuvants présentent une efficacité dosedépendante. Il en va de même de leurs effets secondaires. A efficacité analgésique équivalente, le choix d’un adjuvant devrait privilégier celui qui est responsable des effets secondaires maternels et/ou néonataux les moins délétères.L’objectif de notre travail a été de contribuer à déterminer quel adjuvant aux anesthésiques locaux, du sufentanil ou de la clonidine, est le plus approprié, dans le contexte de l’analgésie obstétricale.Dans une première étude, menée de façon prospective et en double aveugle, les effets de l’adjonction de 5 μg de sufentanil ou de 75 μg de clonidine sur la MLAC de la ropivacaïne sont évalués chez 78 parturientes en travail présentant une dilatation cervicale ≤ 5 cm. Ces patientes sont réparties de façon randomisée en trois groupes selon la nature du mélange analgésique administré par voie péridurale : ropivacaïne seule, ropivacaïne + 5 μg de sufentanil ou ropivacaïne + 75 μg de clonidine. La MLAC de la ropivacaïne administrée seule est calculée à 0,099% (95% CI : 0,090 – 0,109). En association avec 5 μg de sufentanil, la MLAC de la ropivacaïne est réduite à 0,036% (95% CI : 0,024 – 0,049) et avec 75 μg de clonidine, la MLAC de la ropivacaïne est réduite de façon équivalente à 0,036% (95% CI : 0,027 – 0,046) (p < 0.001). Le rapport de puissance entre la clonidine et le sufentanil sur le plan de l’épargne en anesthésique local est de 15.1 (95% CI : 10,3 – 23,4). Des doses de 5 μg de sufentanil et de 75 μg de clonidine produisent donc la même réduction de la MLAC de la ropivacaïne. Ce résultat doit permettre d’évaluer les effets secondaires de ces adjuvants administrés à des doses équipotentes. Cette évaluation est réalisée dans la deuxième partie de notre travail.Dans cette deuxième étude, menée de façon prospective et en double aveugle, les effets secondaires résultant de l’administration péridurale de solutions équianalgésiques composées de ropivacaïne 0,2% combinée soit, à 5 μg de sufentanil, soit à 75 μg de clonidine sont comparés chez 50 parturientes en travail, présentant une dilatation cervicale ≤ 5 cm. Ces patientes sont réparties de façon randomisée en deux groupes selon la nature du mélange analgésique administré pour instaurer l’analgésie péridurale : ropivacaïne 0,2% + sufentanil 5 μg (groupe RS) ou ropivacaïne 0,2% + clonidine 75 μg (groupe RC). Ultérieurement, l’analgésie est entretenue de façon similaire dans les 2 groupes à l’aide de ropivacaïne 0,2% sans adjuvant administrée selon le mode PCEA. La qualité de l’analgésie, la consommation de ropivacaïne, le mode d’accouchement et le bien-être néonatal sont également comparés. Le délai d’apparition et la durée de l’analgésie après l’administration péridurale du bolus initial sont similaires dans les deux groupes. La consommation de ropivacaïne, les scores de douleur et le niveau sensitif sont également identiques dans les deux groupes, de même que l’incidence de bloc moteur, le mode d’accouchement et les scores d’Apgar. Dans le groupe RC, 17 patientes sur 26 présentent une hypotension < 100 mmHg contre 6 sur 24 dans le groupe RS (P < 0,05). Cinq patientes dans le groupe RC présentent une hypotension < 90 mmHg contre aucune dans le groupe RS (P< 0,05). En conséquence, le nombre de patientes nécessitant l’administration d’éphédrine est significativement plus élevé dans le groupe RC que dans le groupe RS (11/26 vs 2 /24, P < 0,05).L’administration intraveineuse de cristalloïdes est également plus élevée dans le groupe RC (1696 ± 583 ml vs 1264 ± 407 ml, P < 0,05). Dans le groupe RS l’incidence de prurit modéré et ne nécessitant aucun traitement est significativement plus élevée que dans le groupe RC (6/24 vs 1/26, P < 0,05). Cette étude confirme donc le caractère équipotent de solutions combinant la ropivacaïne 0,2% avec soit 5 μg de sufentanil, soit 75 μg de clonidine.Administrée à dose équipotente, la clonidine ne procure aucun avantage par rapport au sufentanil lorsqu’on l’administre comme adjuvant à la ropivacaïne pour l’analgésie péridurale obstétricale. En revanche, la clonidine est associée à une incidence accrue d’hypotension et de recours à l’éphédrine. A l’inverse du sufentanil, la clonidine ne peut donc pas être considérée comme un adjuvant utilisable en première intention et en routine dans le cadre de l’analgésie pour le travail.Sa place comme adjuvant de second choix, utilisable comme analgésique de secours, reste à préciser par des études appropriées.