L’attention aux gestes : esquisse d’une anthropologie de l’éducation en formation initiale des enseignants à partir du travail de Mauss

Dans un récent ouvrage, Tim Ingold (2018) tente de répondre à la question de savoir ce qu’éduquer signifie. Sa réponse — guider l’attention, montrer quelque chose à quelqu’un — possède de nombreuses accointances épistémologiques et méthodologiques avec les développements de Marcel Mauss sur cette même question (Mauss 1934). Ce dernier, cependant, se veut plus pragmatique que son successeur : il a non seulement précisé l’objet (le « quoi ? ») de l’attention mais également la façon de s’y prendre pour le faire (le « comment ? »). En effet, ce à quoi il faut s'intéresser en matière d’éducation, nous apprend Mauss, ce sont les gestes — les techniques du corps ; et cela doit être fait en procédant « du concret à l’abstrait » (1934 : 5). Ces deux principes, éminemment maussiens (Bert 2022), se trouvent être au cœur du dispositif d’apprentissage mis en place à l’Université de Liège, en formation initiale des enseignants, au cours de didactique des sciences sociales. En revenant sur le détail (par les moyens de l’ethnographie) de certains gestes éducatifs posés au sein de ce cours — et notamment d’exercices dit de « simulations » (Tasia, Guillaume & Heuveneers, à paraitre) — je voudrais montrer combien le travail de Mauss sur le corps, les gestes et la sémiotique qui en découle (Pesce 2016) est précurseur d’une véritable approche éducationnelle visant à former les futurs enseignants à la réalité empirique du métier.