Abstract :
[fr] La gestion de l'hétérogénéité des élèves constitue sans aucun doute un des défis majeurs pour la plupart des enseignants, peu importe le niveau où ils exercent. Déjà à 5-6 ans, on décèle chez les jeunes élèves des niveaux de compétence sensiblement variables en littératie, en numératie, mais également sur le plan socio-émotionnel et comportemental. Pour faire face à cette hétérogénéité, certains systèmes scolaires s'appuient, in fine, sur des pratiques de différenciation structurelle (classes de niveau, redoublement, orientation vers une filière d'enseignement moins exigeante, ...), alors que d'autres comptent sur le développement de pratiques de différenciation pédagogique (voir Lafontaine, 2017). En France, au Luxembourg, en Belgique francophone et en
Suisse, les élèves en grande difficulté scolaire subissent potentiellement les conséquences d'un modèle de gestion dit wait-to-fail (Brown-Chidsey, 2007). Cela réfère à la tendance du système et des acteurs à « attendre », de manière volontaire ou contrainte par le mode de fonctionnement en place, que les difficultés scolaires d'un élève soient formellement attestées et documentées pendant plusieurs mois avant de réagir ; les réactions pouvant consister en un soutien pédagogique ou spécialisé complémentaire, plus intensif ou plus approprié, ou en une décision de redoublement ou d'allongement de cycle. A l'opposé de ce modèle d'« attente de l'échec avant d'agir », il semble possible d'adopter d'autres modes de gestion des différences inter-individuelles. Parmi ceux-ci figure le Système de Soutien à Paliers Multiples (SSPM, MTSS en anglais) qui se développe de plus en plus en Amérique du Nord et ailleurs (voir Desrochers, 2021 ; de Chambrier et Dierendonck, 2022). Ce modèle SSPM est basé sur un modèle antérieur, le modèle de Réponse à l'Intervention (RàI, RTI en anglais), en lui ajoutant une composante socio-émotionnelle et comportementale. Les modèles SSPM et RàI envisagent l'action pédagogique en trois paliers. Le premier palier est considéré comme la pierre angulaire du modèle ; son but étant d'assurer l'apprentissage de la grande majorité des élèves en leur dispensant un enseignement de haute qualité fondé sur des pratiques dont l'efficacité a été démontrée par la recherche (evidence-based practices). Ce premier palier est accompagné d'évaluations périodiques de dépistage afin d'identifier précocement les élèves en difficulté ou à risque de l'être. Les deux paliers suivants ne concernent que les élèves n'ayant pas répondu de manière attendue au palier précédent. Au palier 2, les élèves identifiés comme étant à risque au palier 1 bénéficient d'une intervention pédagogique additionnelle, elle aussi
evidence-based, dispensée dans le cadre de tutorats en petits groupes. Au palier 3, les élèves n'ayant pas suffisamment répondu à l'intervention de palier 2 reçoivent une intervention additionnelle encore plus intensive et spécifique menée en très petits groupes, voire individuellement. Malgré les bénéfices avérés de ce modèle (Burns, Appleton & Stehouwer, 2005), celui-ci est très peu implémenté et très peu étudié sous nos latitudes (de Chambrier & Dierendonck, 2022). Par ailleurs, étant donné la plus grande efficacité des interventions précoces, il est recommandé de mettre en place ce modèle dès l'école maternelle. Ce symposium propose ainsi de réunir des chercheurs de plusieurs pays d'Europe francophone qui s'intéressent à différentes caractéristiques de ce modèle (interventions pédagogiques fondées sur la recherche, évaluation « objective » des compétences des élèves en matière de littératie, de numératie et dans le domaine socio-émotionnel et comportemental, soutien d'intensité croissante, ...). Ce symposium prévoit d'interroger, au travers de quelques expérimentations locales et de réflexions relatives aux outils d'évaluation et d'intervention requis, les conditions d'implémentation d'un tel modèle en fin d'école maternelle dans nos contextes scolaires. Le symposium s'inscrit dans l'axe 4 du colloque (Évaluation des apprentissages dans une perspective pédagogique : continuités et ruptures).