“Faire avec” la friche, entre urgence environnementale et paysage émergeant

Dans le cadre de la recherche en projet de territoire, la présence de friches industrielles représente à la fois l’expression d'une crise économique et environnementale mais aussi l'opportunité de repenser les lieux dans une perspective de transition écologique. Dans ces sites, l'activité industrielle a profondément transformé les espaces et les sols par des altérations physiques et chimiques : cette urgence environnementale nécessite d'importantes interventions de remédiation pour de futurs ré-occupations. Souvent ces actions de réparation de la qualité environnementale conduisent à une perte de spécificité, notamment l'élimination d'éléments qui appartiennent à la mémoire collective du territoire et qui peuvent favoriser une réappropriation des lieux.
Mais quelle alternative à la table rase? En quoi la friche est-elle encore une ressource pour re-habiter le territoire ?
L'hypothèse est que la friche est comprise en tant que temps de régénération, dans lequel les dynamiques de recolonisation végétale sont reconnues comme des agents de requalification du site à partir du sol. Ce retour de la nature s'observe selon un double bénéfice, environnemental et paysager. D'une part, la présence d'espaces ouverts végétalisés conduit à une amélioration des conditions environnementales du contexte urbain, notamment dans la capacité à lutter contre le changement climatique, depuis la régulation de la température, la stabilisation des polluants, jusqu'à l'infiltration des pluies. D'autre part, ces sites s'offrent comme de nouveaux espaces publics informels, à explorer, à vivre comme de nouveaux lieux de la vie quotidienne où l'on retrouve un contact avec la nature. La friche apparaît alors comme un paysage émergent, où la recolonisation végétale est le manifeste pour une réappropriation collective du site.
Le questionnement de la recherche porte sur le projet comme co-action entre l'humain et le vivant: comment “faire avec” la friche? Quelles approches projectuelles prennent en compte cette vocation et quelles techniques de gestion accompagnent et valorisent cette spécificité dans le temps ?
A travers une comparaison d'études de cas, choisies dans les territoires de désindustrialisation entre Wallonie et Hauts de France, cette contribution vise à mettre en évidence des facteurs de convergence, des facteurs de conflit et des apports mutuels entre la dimension paysagère et la dimension environnementale dans le requalification des friches industrielles.