[fr] (extrait) La transformation du regard – que ce livre et les expériences qu’il met en récit a favorisée – permet de s’approcher plus près du réel, sensiblement, et sans doute de défaire de nombreuses illusions. Mais elle a aussi des effets directement positifs, des effets qui dessinent des actions possibles. Car si on vide le concept de nature de sa réalité, et du coup de son autorité, on comprend que « dénaturer » devient un problème aux dimensions réduites, et que « préserver la nature » n’est pas le seul horizon disponible. À cet endroit s’ouvre pour la pensée écologique un terrain en friche capable d’accueillir de nouvelles constructions, une nouvelle inventivité, une nouvelle intelligence concrète. Pas besoin de s’entortiller avec sa conscience ou de s’imposer toutes sortes de chorégraphies argumentatives pour se justifier. Ce serait probablement ça, « ensauvager les villes ». Penser sans la nature permet non seulement d’accepter les transformations de nos milieux, mais de les booster dans le bon sens : on peut tout-à-fait s’accommoder de « dénaturer » des environnements dans les limites de la cohérence écologique (ne pas impacter trop lourdement le vivant), ou se bricoler des manières de cohabiter joyeuses, même si tout le monde n’est pas à la place attendue, parce qu’il faut faire avec des situations nouvelles. On a bien le droit de se déranger un peu.
