Les enduits peints de la Domus aux Bucranes à Ostie : caractérisation technique d'une première phase de IIe style

Les fouilles de la Domus aux Bucranes à Ostie, sur la parcelle de la Schola du Trajan, ont révélé l’existence de deux phases décoratives distinctes au sein de l’édifice tardo-républicain. Ces deux phases sont notamment attestées par d’importants ensembles d’enduits peints attribués au IIe style, découverts in situ et sous forme de fragments. Leur datation est précisée par la stratigraphie ainsi que par les vestiges architecturaux et mobiliers. Ainsi, la première phase picturale, mise au jour dans quatre pièces, remonte à la construction de la Domus aux Bucranes dans les années 60-50 av. J.-C. La seconde correspond à une réfection réalisée durant les années 40-30 av. J.-C. dans deux autres pièces. Les peintures des six pièces ont subsisté jusqu’à la destruction de la domus, dans les années 20 av. J.-C. Des groupes de fragments de Ier style ont également été retrouvés en dépôt secondaire dans les couches de la même maison. L’ensemble de ces peintures fait l’objet d’une étude archéologique et stylistique, conduite par l’Université de Liège depuis 2010. À cela s’ajoute une approche archéométrique, à laquelle est associé le Centre Européens d’Archéométrie depuis 2016. S’appuyant sur ces premières analyses, l’étude technique globale des différents ensembles peints est actuellement développée dans le cadre d’une thèse de doctorat menée à l’Université de Liège.
Cette intervention présentera les premiers résultats obtenus par la recherche en cours et s’attachera plus précisément à mettre en évidence les particularités techniques des enduits peints de la première phase de IIe style (60-50 av. J.-C.). Des observations macroscopiques et microscopiques détaillées fourniront des données sur les peintures qui ornaient les quatre pièces concernées : les fauces, l’atrium, le tablinum et le péristyle. Elles seront complétées par les indications tirées des premières analyses physico-chimiques, réalisées entre autres au moyen des techniques de spectrométrie Raman, spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier et spectrométrie de fluorescence des rayons X. Ces différents examens apporteront des précisions tant sur la nature des matériaux composant les couches picturales – pigments et éventuels liants – que sur les constituants des couches des enduits de support. Ils souligneront aussi les gestes techniques opérés par les artisans lors de la mise en œuvre des peintures, en relevant notamment les étapes préparatoires.
Les données récoltées pour chaque décor seront ensuite confrontées au contexte architectural et stylistique, afin de développer les questions relatives à l’organisation du chantier. L’étude tentera ainsi de constater si des différences de pratiques existent entre les enduits peints provenant d’emplacements distincts – différences qui pourraient être corrélées à la fonction de la pièce, à des particularités architectoniques ou au travail de plusieurs mains – ou, au contraire, si une cohérence technique et matérielle évidente est observée au sein du corpus, permettant éventuellement d’attribuer les différentes peintures à un même atelier.
Les données exposées lors de cette intervention poseront le premier jalon d’une étude plus large, qui s’étendra à l’ensemble des décors peints de la Domus aux Bucranes. Grâce à leur contextualisation, ces données constitueront en outre un apport essentiel à la compréhension de la technique picturale employée dans les années 60-50 av. J.-C. en Italie centrale.