Abstract :
[fr] Le jeu vidéo s'est imposé comme un des médias de masse les plus populaires et influents. De ce fait, il est régulièrement mobilisé dans le développement de dispositifs d'animation socio-culturelle. En représentant de ce mouvement, le jeu Minecraft (Mojang, 2011) se révèle être un outil récurrent pour bon nombre de professionnels qui revendiquent ses capacités d'empowerment et d'autonomisation des publics par l'exercice d'une créativité (François et Triclot, 2020). Dès lors, la pratique de terrain qui consiste à faire de ce jeu de construction un véritable tiers lieu questionne tout autant que l'implication de son pouvoir créatif dans la défense de problématiques citoyennes et contemporaines, en lien notamment avec des questions écologiques.
Dans cette communication, nous souhaitons revenir sur le cas pratique d'une série d'ateliers de médiation culturelle visant à reproduire et transformer l'espace public, le projet « LiègeCraft », ayant utilisé Minecraft comme dispositif d'interrogation du commun et de participation citoyenne. À travers un retour d'expérience centré sur le déroulement des ateliers, mais également sur les décisions, créations et traces d'interactions des participants dans l'espace virtuel, nous entendons mettre en évidence plusieurs réalités d'un dispositif réhabilitant certes le pouvoir de modifier l'espace public aux mains des usagers, mais qui se construit sur une vision naturaliste de ce commun.
Il n'est, en effet, plus à prouver que le jeu vidéo n'est pas une activité solitaire ou coupée du monde (Consalvo, 2003). De plus, en tant qu'objet structurel, le jeu vidéo contient une grammaire interne dont les plus petits éléments sont des signifiants qui véhiculent des valeurs. Pris sous cet angle, le jeu Minecraft peut être identifié comme faisant l'apologie de l'ontologie occidentale naturaliste (Descola, 2005) : il renforce l'opposition millénaire entre les concepts de nature et de culture, héritière de la Scala Naturae d'Aristote et du dualisme cartésien. Minecraft offre au joueur une emprise totale sur son environnement sans qu'il puisse en altérer la logique ou nuire à ses différents biotopes. L'avatar-joueur, presque exclu du milieu dans lequel il évolue, devient le démiurge d'un monde sans substances, mécanique, qui n'existe que pour servir ses desseins (Kreminski et Wardrip-Fruin, 2018).
Cependant, il est aussi admis que la logique de l'usage d'un objet se construit par la représentation de l'intéressé de cet usage (Perriault, 1989). Dès lors, il n'est pas rare d'observer des joueurs de Minecraft produire des scènes, cartes et constructions renvoyant à des questions environnementales et écologiques. Ce rapport dialectique entre le jeu vidéo pris comme vecteur d'une représentation naturaliste du monde et lieu d'exercice d'une liberté créative dépasse le cadre du jeu pour impacter directement le processus de médiation, le médiateur étant confronté à une nécessité de mise en contexte du dispositif. Cette communication souhaite donc exposer l'émergence d'une tension entre le potentiel expressif vidéoludique et le développement, en atelier, d'une littératie de création.
Event name :
La créativité dans le champ de l’ enseignement et de la médiation : quels objets d’ enseignement, quelles compétences, quels dispositifs ?