Abstract :
[fr] "La création de jeux vidéo est une importante pratique culturelle produisant des œuvres interactives et l’objectif de cette thèse est de rendre intelligible l’expérience de ses praticiens. La création de jeux vidéo, parce qu’elle est traversée par le jeu et l’interaction, est un terrain de choix pour apporter une contribution originale aux études des pratiques culturelles. C’est là son principal intérêt scientifique, qui trouve son origine dans la situation nécessairement intermédiaire des amateurs. Ces derniers naviguent entre jeu, création de jeu et jeu de création. Il y a alors une occasion unique de revisiter, au-delà même du jeu vidéo, notre compréhension des productions amateur : les « joueurs » sont-ils les seuls à jouer ? Les photographes et les cinéastes ne semblent pas être les derniers à jouer avec leurs appareils : mais alors à quoi jouent-ils ? Et qu’est-ce que ce jeu nous dit de leur processus créatif ? Nous apporterons au moins deux réponses, qui se rejoignent et qui imprègnent cette recherche de manière transversale. D’abord, c’est que l’acte de jouer est un acte intime nécessairement orienté vers le joueur lui-même. On ne joue jamais que pour soi (et pourtant, parfois, ce faisant, on crée pour un autre). Ensuite, c’est qu’il n’y a pas de jeu sans amour, ou du moins sans plaisir. On mettra à l’épreuve, dans ce travail, un critère définitoire du jeu aussi évident que délaissé, et loin d’être simple à étudier : si l’on joue, c’est par goût. Aussi, quand les amateurs créent du jeu, ils continuent de travailler leur goût. Mais, à nouveau : on ne peut jamais goûter que pour soi-même. Jouer et goûter : tout nous ramène à un faire pour soi dont l’articulation à un faire pour l’autre s’annonce problématique. Nous touchons là à l’ambition de ce travail : comprendre un agir culturel qui est profondément intime et personnel, sans abandonner la compréhension de ses modalités de partage – structurellement et nécessairement complexes." (page 7)