Abstract :
[fr] La cathédrale de Laon comporte le plus grand ensemble sculpté de la fin du XIIe siècle: trois portails et leurs gâbles, deux fenêtres à voussures, de nombreuses têtes dans les écoinçons des baies, des personnages sur les arcs-boutants et des boeufs énigmatiques aux sommets des tours du massif occidental. L’ouvrage révèle un programme d'ensemble selon lequel les thèmes des portails latéraux - Incarnation et Jugement dernier - sont couronnés et achevés par le Triomphe de la Vierge au portail central, symbole de l'espoir eschatologique des chrétiens. Ce programme est attribué à Gautier de Mortagne, évêque de Laon de 1155 à 1174. Il est amplifié par les thèmes novateurs des fenêtres - Arts libéraux et Arts mécaniques au nord, Création-Rédemption au sud – lesquels procèdent directement des écrits de Hugues de Saint-Victor (1096-1141), théologien majeur du XIIe siècle avec qui Gautier de Mortagne entretenait des relations suivies. La présence des boeufs en haut des tours peut alors s'interpréter comme une introduction oculaire à ce programme: rappel de l'apparition providentielle d'un boeuf auprès d'un ouvrier lors de la construction de la cathédrale et herméneutique de ce miracle comme conjugaison nécessaire des oeuvres humaines et de la grâce divine.
Les analyses iconographique, stylistique et archéologique ont permis plusieurs découvertes : l’existence d’une chapelle axiale dans le choeur primitif (détruit au début du XIIIe siècle), le remploi d’un portail complet datant de la toute fin de l'épiscopat de Barthélemy de Joux (1113-1151) et achevé avant le début de la construction de la cathédrale actuelle.
La richesse et l’originalité de cet ensemble sculpté sont servies par une couverture photographique inédite présentée sous forme de corpus dans le CD-ROM interactif qui accompagne l’ouvrage. La critique d’authenticité, complétée par l’analyse de chaque sculpture du corpus, met en évidence un nombre significatif de têtes du XIIe siècle et dénote le bon état général de la sculpture originale.
L’étude stylistique, couplée à celle des techniques d’exécution, permet de distinguer les manières d’un nombre réduit d’artistes : celui du portail de remploi, celui du choeur primitif et des clefs de voûte de la nef, l’artiste principal de la façade (manière A) et des arcs-boutants de la nef, et enfin celui de la manière B de la façade. L’auteur montre que ce dernier ira ensuite accomplir le décor sculpté de l’abbatiale Saint-Yved de Braine. La chronologie du chantier conduit à remonter quelque peu la datation de la sculpture de la façade au cours du dernier quart du XIIe siècle.
Laon s’intègre dans le style antiquisant, appelé par commodité << style 1200 >> et devient une référence déterminante pour Chartres, Lausanne et Maastricht. Plus largement, l’écho qu’en offrent les ensembles sculptés de Paris, Reims et Amiens font incontestablement de Laon un grand chantier européen.