Abstract :
[fr] Les pôles de compétitivité résultent d’une initiative du Gouvernement de la Région wallonne, désireux, avec le Plan Marshall, de lancer une nouvelle dynamique de soutien à la croissance par l’innovation. Ces pôles sont des outils d’une politique industrielle partenariale ciblée et ambitieuse « concentrant des moyens importants dans des domaines économiques porteurs de croissance et d'emplois » : ambition, taille critique et visibilité internationale doivent être atteints à travers des projets collaboratifs multiples et complexes, associant partenaires industriels et chercheurs à l’échelle de la Wallonie. Cette dynamique renforce les instruments de soutien à la recherche qui ont été développés au cours des dernières années sous formes de soutien ponctuel aux entreprises et de programmes thématiques à l’attention des chercheurs universitaires.
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<br />Par certains aspects, ce nouvel instrument pourrait transformer les dynamiques de coopération entre les acteurs de la recherche. Le gouvernement a confié la gouvernance des pôles aux industriels, secondés dans cette tâche par les chercheurs-universitaires, et se contente d’un rôle d’observateur pour « vérifier que la philosophie des pôles est telle que définie par le gouvernement » — cadres, territoires et moyens étant fixés. Une telle forme de gouvernance déléguée au niveau du pôle peut sembler particulièrement innovante, mais elle oblige l’analyste à questionner le fondement de son efficacité ainsi qu’à identifier les risques inhérents à ce genre de coopération, à la fois volontaire et contrainte. Quel équilibre entre délégation / contrôle a été instauré à travers les instances établies parfois difficilement (procédures d’évaluation et de sélection; instances de gouvernance)? Quelle est la vision du modèle d’innovation qui semble émerger de cette politique? En quoi contribue-t-elle à améliorer la dynamique du système d’innovation en Wallonie, mobilisant davantage les savoirs intermédiaires mis à disposition à travers des réseaux, combinant nouveaux usages et nouveaux contextes (Akrich 1998)?
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<br />Une telle analyse, pour être pertinente, doit tenir compte à la fois des spécificités sectorielles des pôles et des multiples dimensions du système d’innovation complexe de la Région wallonne, au niveau tant des organismes de recherche, des administrations et agences associées, que des instances décisionnelles caractéristiques du régime d’innovation néo-corporatiste de la Région. Comment les stakeholders de l’innovation apprécient-ils leur implication dans les pôles? Comment la structure mise en place intègre-t-elle les dynamiques antérieures liées à la gestion des clusters, de la recherche et de l’innovation? Quel impact peut-elle avoir sur les acteurs même de la recherche, les universités et centres de recherche et leurs modes de collaboration? La dynamique d’auto-organisation au sein de chaque pôle révèle-t-elle des modalités spécifiques d’appropriation des contraintes et des règles ? Face à l’émergence de ces nouvelles formes de « cohérence distribuée » (Rip, 2002), il s’agit de reconnaître la variété d’acteurs et de rôles pour mieux intégrer dans la démarche évaluative les multiples contingences et mettre en évidence des modes d’expression réflexifs caractéristiques de la co-construction d’un cadre évolutif réellement innovant.
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<br />Sur base d’une analyse du positionnement des acteurs autour de la dynamique de pôle (interviews semi-structurées dans trois pôles différenciés), nous proposons d’examiner certaines dimensions de la gouvernance qui pourraient être prises en compte dans une évaluation de ce nouvel instrument politique, en mettant l’accent plus particulièrement sur certains groupes d’acteurs du processus d’innovation, les chercheurs et administrateurs de la recherche.
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