Abstract :
[fr] La prophétie d’Auxilio Lacouture, personnage bolañien, devrait se réaliser dans une dizaine d’années : « Cesare Pavese se transformera en Saint Patron du Regard en 2034 ». Bien que vague et donc ambiguë, cette désignation semble incontestable auprès des initiés de l’oeuvre de Pavese. Mais quelle fonction exerce le sens de la vue dans sa production poétique ? Dans cette communication, nous illustrerons la composante primordiale du « regard » de la poésie de Pavese, qui touche à la fois aux sphères du rapport au monde extérieur et de l’identité du moi, afin de souligner qu’il s’agit d’un trait emblématique de son actualité, tant thématique que formelle. Dans un premier temps, la centralité de la vision sera examinée grâce à une analyse lexicale approfondie du corpus poétique de Pavese, en s’appuyant sur le recours aux concordanciers. Dans un deuxième temps, l’organicité de la strophe sera abordée : Pavese parvient à une forme de strophe totalement irrégulière dans laquelle le seul critère satisfait est la correspondance entre le contenu et la dimension. Le compartiment strophique s’allonge ou se rétrécit en fonction des besoins narratifs. En d’autres termes, chez Pavese, la strophe a la nature d’un photogramme, elle semble occuper l’intervalle entre le clignement d’une paupière et le suivant. Nous revisiterons l’oeuvre poétique de Pavese, notamment son recueil incontournable Lavorare stanca, à travers deux approches inédites, l’une terminologique et l’autre stylistique, afin et d’en élucider l’actualité et de l’actualiser. Autrement dit, en examinant la primauté du sens de la vue, il est notre intention de déceler le profond caractère heuristique de la poésie pavésienne, qui nous parle du passé, du présent et presque certainement du futur, en tout cas jusqu’en « 2034 », si l’on fait confiance à la formule de l’écrivain chilien.