Abstract :
[fr] La Cour européenne des droits de l’homme enseigne que la comparution d’un prévenu revêt une importance capitale pour garantir un procès pénal équitable. En effet, une telle comparution revêt une importance capitale en raison tant de son droit à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins .
Le droit à un procès équitable comprend, dès lors, le « droit pour l’inculpé de participer réellement à son procès », ce qui « inclut en principe, entre autres, le droit non seulement d’y assister, mais aussi d’entendre et suivre les débats » . L’inculpé a encore le droit de « se défendre lui-même » ou d’« avoir l’assistance d’un défenseur de son choix », ce qui suppose le droit de « communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers » qui constitue une « exigence élémentaire du procès équitable » . L’utilité de l’assistance d’un avocat serait fortement réduite s’il ne lui était pas possible de s’entretenir avec son client sans « surveillance » et d’en recevoir des « instructions confidentielles » . Le droit à être effectivement défendu par un avocat figure, au demeurant, parmi les éléments fondamentaux du procès équitable .
Tant la Cour de cassation que la Cour constitutionnelle n’ont pas manqué de s’aligner sur cette jurisprudence. C’est d’ailleurs à la lumière de ces principes conventionnels que la seconde a annulé la loi du 29 janvier 2016 relative à l’utilisation de la vidéoconférence pour la comparution d’inculpés en détention préventive .
Que l’on ne s’y trompe pas, la Cour européenne des droits de l’homme ne condamne pas la comparution par vidéoconférence. La Cour insiste cependant sur le fait que la participation d’un inculpé à la procédure pénale par vidéoconférence n’est compatible avec le droit à un procès équitable et public que si le recours à cette technique de communication poursuit un but légitime et si l’inculpé est en mesure de suivre la procédure, d’être entendu sans obstacle technique, et de communiquer de manière effective et confidentielle avec son avocat .
À la lumière de ce ces principes, le législateur a remis l’ouvrage sur le métier, animé par la volonté de tirer profit tant des expériences accumulées pendant la pandémie que des enseignements de la Cour constitutionnelle.
Les intentions du législateur sont ambitieuses. En effet, l’on peut lire dans les travaux préparatoires que « l’usage de la vidéoconférence dans les procédures judiciaires participera à l’optimisation de l’accès du justiciable à la justice, à l’accélération du traitement de certaines affaires en justice et donc à la résorption de l’arriéré au sein de certaines juridictions, mais également à accroitre la publicité des audiences afin de faciliter pour le citoyen, l’exercice du droit qui découle de l’article 148 de la Constitution . L’utilisation de la vidéoconférence devrait permettre à la juridiction et aux parties concernées de s’organiser mieux, plus efficacement et d’éviter de longs déplacements pour des interventions de courte durée, par exemple dans le cadre d’audiences introductives, du prononcé d’un jugement ou pour donner une explication relative à un rapport d’expertise » .
L’objectif n'est toutefois pas de généraliser la vidéoconférence, mais de l’utiliser de manière respectueuse des droits des justiciables et des principes du procès équitable , tout en maintenant la comparution personnelle comme norme . Le législateur reconnaît également la nécessité de poursuivre les investissements dans les technologies de vidéoconférence adaptées aux besoins de la justice.
Des modifications substantielles ont été apportées aux dispositions applicables en procédure pénale et civile. Celles-ci font l'objet d'une analyse par les auteurs.