De la prudence à la confiance ? Transformations de l’agir prudentiel

Le long mouvement d’évolution contemporaine des politiques sociales s’accompagne d’une reconfiguration de leurs frontières notamment dans deux directions qui seront abordées conjointement en toile de fond de cet article. La première est celle d’une extension du champ de leur intervention vers de nouveaux groupes en difficulté, vers de nouvelles thématiques ou de nouvelles questions sociales, à partir de nouvelles réponses institutionnelles (Esping-Andersen, 2008). La seconde est celle d’une intervention croissante des métiers du social et de l’intervention s’accompagnant également d’une crise des « métiers inspirés » chers à Weber (Schnapper, 2002). Cette crise des métiers s’est accompagnée d’une réflexion sur le concept de prudence en sociologie des professions (Champy, 2009, 2011) et, dans le champ du travail social en particulier, d’une controverse sur sa pertinence (Kuehni, 2019). Tout en prolongeant de précédents travaux et de recherches communes sur la prudence dans l’action sociale, cet article sera structuré autour de 5 propositions ou hypothèses visant à identifier une tension entre agir prudentiel et confiance en travail social en tant qu’agir incertain, situé, singularisé et engagé mobilisant un « autre » rapport aux savoirs (académiques, professionnels et profanes, ou encore expérientiels). Cette double thématique de la prudence ou de l’agir prudentiel et de la confiance, depuis ces deux phénomènes que l'on peut penser comme étant co-constitutifs dans l'activité, est centrale pour comprendre les évolutions actuelles du travail social au cœur de politiques sociales en transformation.