Hésitants, prudents, curieux et passants dans les manifestations : Les mises en scène des corps dans les rassemblements protestataires en Tunisie révolutionnaire

Nous abordons dans notre thèse de doctorat la question des performances des corps dans des rassemblements de protestation en Tunisie révolutionnaire. Nous avons constaté, au tout début des journées de la révolution entre 17 décembre 2010 et 14 janvier 2011, qu'il y avait, souvent, des gens autour du “noyau dur” des manifestants. Un des militants interviewés d’ailleurs a décrit ces rassemblements des tout premiers jours en ces termes : "un noyau autour duquel se dispersent les gens”. Autour de ce noyau, il y avait non seulement la police qui essayait de limiter les mouvements des manifestants, mais également d'autres personnes. Nous pourrons les considérer comme des participants prudents, hésitants, curieux et/ou passants. Dans cette communication, nous essaierons de comprendre les caractéristiques des mises en scène de ces personnes autour d'un groupe de manifestants au début des protestations à Tunis. Nous nous appuyons sur une analyse qualitative d'un ensemble d'articles, de photos et de vidéos publiés dans les journaux qui ont décrit les manifestations de cette époque. Nous nous appuyons également sur des entretiens que nous avons menés avec des militants et des participants de ces manifestations. Dans cette proposition, nous nous concentrerons plus particulièrement sur les extraits d'entretiens décrivant des modes de participations, par exemple ; un entretien avec un militant décrivant sa participation quotidienne, un participant a décrit sa participation en tant que curieux engagés, un autre qui a décrit sa participation aux manifestations en restant à distance pour rester prudent, et un autre encore qui a décrit son changement de décision en faveur de la participation. Les individus entourant ces "noyaux" des rassemblements auraient pu être des manifestants, mais ils ont choisi de rester dans des espaces plus sûrs : ils ont donc pris une certaine distance par rapport au "noyau" pour manifester et en même temps pour s'en retirer une fois qu'ils sentaient que des dangers les menaçaient. Ces personnes pourraient encore être des "hésitants" dont la décision de manifester n'a pas encore été prise. Il s'agit peut-être aussi de passants qui ont été bloqués par hasard en cherchant la rue où ils pourraient faire leurs affaires. Ou encore, il pourrait y avoir des curieux qui voudraient savoir plus sur ce qu'ils ont croisé. Dans ce papier, nous proposons d'examiner les mises en scène de ces hésitants, de ces curieux et de ces passants dans les manifestations. Ces mises en scène semblaient parfois être l'une des stratégies adoptées pour faire face à la violence policière. Dans un contexte de régime politique autoritaire, les manifestants risquaient d'être agressés, emprisonnés, ou même de perdre leurs vies. Nous considérons qu’ils ont tous participé dans les manifestations. Nous examinons également alors les rôles qu'ils ont joués dépendants de leur façon de “participer “ dans ces manifestations (“d’une manière consciente ou inconsciente”). Ces dernières manières différentes de participations ont contribué a multiplié le nombre des participants dans les rassemblements, et par suite donner une ampleur a cette manifestation. Ces dernières formes de se miser en scène non seulement participer a donner plus d’efficacité au “noyau” mais également ils ont joué des rôles contre les policières en distrayant leur attention sur le noyau du rassemblement et de perdre ensuite le contrôle. D'autre part, ce noyau grandissait et de nombreuses personnes se joignaient à ces manifestants ; le groupe de dizaines de personnes est devenu un groupe de milliers de personnes. Nous pourrons alors examiner le processus des "hésitants" et "des curieux" qui ont rejoint à un moment bien défini ces manifestations.