Abstract :
[fr] Introduction et objectifs
Depuis 2018-2019, des carnets de suivi de cours sont proposés aux étudiants en Sciences de la motricité de l’ULiège dans le cadre des cours pratiques de sport, s’appuyant notamment sur une approche de type « classe inversée » (Theunissen, Westenbohm et Cloes, 2020 ; Theunissen, Foulon et Cloes, accepté). Si ce dispositif ne peut pas être considéré comme infaillible, il semble tout de même apporter du plaisir et de l’autonomie en permettant de mieux allier théorie et pratique. La multiplication des types de tâches proposées est un élément perçu comme positif même s’il convient de rester attentif au temps nécessaire pour compléter les documents. Les étudiants souhaitent aborder des thèmes très variés (technico-tactique, anatomie, préparation physique, arbitrage, observation…). L’idée de transposer ce dispositif vers d’autres contextes d’apprentissage des activités physiques et sportives a émergé. Dans cette perspective, la présente étude vise à répondre aux questionnements suivants : « Quelles sont les connaissances des adhérents des clubs sportifs sur le sujet ? », « Quelles sont leurs attentes dans un contexte d’entraînements et de matchs ? », « Comment adapter le carnet de suivi de séances pour cette population particulière ? »
Méthodologie
Nous nous sommes intéressés à une équipe de handballeurs (U18). Treize joueurs (M= 16 ans ; Expérience pratique de 2 à 9 ans) ainsi que leur entraîneur ont pris part à l’étude. En janvier 2023, une interview semi-structurée a été proposé à chaque membre du groupe. Le premier objectif était de faire le point sur les connaissances des sujets à propos du concept de carnet de suivi d’entraînement. Le second objectif visait à déterminer les souhaits des participants par rapport aux contenu potentiel de cet outil. Dans une deuxième étape, sous la supervision d’un autre spécialiste du domaine bénéficiant déjà d’une expérience avec ce dispositif, entraîneur et chercheur ont développé six volets du carnet pour les proposer aux joueurs pendant un cycle de six semaines d’entraînements. A l’issue de celui-ci, des interviews semi-structurées ont à nouveau été conduites après des sujets afin de recueillir leurs avis sur l’expérience vécue, les aspects positifs ressentis et les aspects à améliorer. Les deux séries d’interviews ont été retranscrites intégralement puis ont fait l’objet d’une analyse de contenu (Huberman & Miles, 1991). Les fidélités en inter et intra-analyste(s) dépassent le seuil de 85% d’accords. Huit semaines après la fin du cycle, le groupe a été réuni afin de procéder à une restitution des résultats. Cette étape a permis d’expliciter certaines réponses et d’affiner les interprétations des données.
Résultats et discussion
Les premières interviews mettent en évidence une méconnaissance totale des joueurs à l’égard des carnets de suivi. L’entraîneur semble avoir une vague idée du concept. Une mise au point a donc été nécessaire avant de poursuivre l’implantation du dispositif. Les joueurs ont dès lors estimé que l’outil pourrait être utile à leur apprentissage, susceptible de leur permettre de s’améliorer, de mieux se concentrer en cours d’entraînement et d’assurer une certaine motivation. Ils souhaitent recevoir des notions technico-tactiques, des préparations de séances, des statistiques de jeu. Ils espèrent une prise de recul par rapport à leur vécu de terrain ainsi qu’une mise à jour des débutants concernant les fondamentaux de la discipline, tant sur le plan théorique que pratique. Ils anticipent un potentiel transfert des données du carnet vers des compétences pratiques de terrain. Même si le contexte est différent, cette diversité des contenus souhaitée par les handballeurs est similaire aux étudiants universitaires (Theunissen et al., accepté).
A la fin des six semaines d’intervention, les joueurs décrivent le carnet de suivi comme un support permettant le rappel des notions techniques et tactiques. Les statistiques sont consultées, entraînant une réelle réflexion sur la mise en place de solutions pour pallier les problèmes rencontrés en match. La définition de nouveaux objectifs d’entraînement est ensuite posée. Les jeunes sportifs apprécient les liens Internet vers des sites spécifiques ainsi que les vidéos proposées. Parmi les inconvénients soulevés, à l’instar des étudiants universitaires impliqués dans le même genre de processus, ils soulignent une contrainte supplémentaire dans leur organisation. Selon eux, ce type de carnet devrait pourtant trouver une place de choix au sein d’équipes de jeunes pour autant que l’on respecte les conditions suivantes : (1) gestion du timing du travail ; (2) réalisation des tâches directement après les entraînements et les matchs ; (3) contribution directe aux progrès. Les joueurs pensent également que ce type de support ne serait pas approprié avant la catégorie U16 car il demande une certaine maturité. La gestion du temps constitue un élément sensible dans de nombreuses études centrées sur le principe de la classe inversée (Bishop & Verleger, 2013 ; Long, Logan, & Waugh, 2016). Le contexte « club sportif » n’échappe donc pas à ce défi d’autant plus que les activités de loisirs ne sont pas supposées surcharger les jeunes qui ont déjà fort à faire avec leurs devoirs scolaires. Par ailleurs, comme souligné dans les recherches d’Østerlie et Bjerke (2023), il est important que les acteurs puissent établir un lien direct entre les activités écrites et la réalité du terrain. Dans le contexte sportif, les tâches doivent ainsi faire sens pour les joueurs.
Des pistes d’amélioration ont été relevées : (1) insister sur le fait que le carnet est un outil d’accompagnement et non un devoir faisant l’objet d’une évaluation ; (2) procéder à l’individualisation du carnet (postes de jeu, statistiques de match, besoins spécifiques, ...), et ; (3) favoriser les parties ludiques et interactives.
Parmi les limites de cette étude, nous relevons la taille réduite de l’échantillon ainsi que la durée relativement courte de l’intervention. Toutefois, sur base des résultats encourageants, des prolongements de cette recherche peuvent être envisagés en s’intéressant notamment à des populations de différentes tranches d’âge, disciplines sportives (sports individuels, d’autres sports collectifs, le sport adapté…) et périodes d’utilisation.
Conclusions et perspectives
Joueurs comme entraîneur montrent un intérêt pour l’exploitation de carnets de suivi d’entraînement. Les avantages identifiés sont un soutien à la motivation, une meilleure compréhension des notions théoriques qui sous-tendent la pratique, une utilité pour l’apprentissage et un sentiment de progrès sur le terrain. Il est impératif que le lien entre les tâches proposées et la réalité du terrain soit le plus proche possible. Des points d’attention ont été soulevés comme le temps de remplissage du carnet et la fréquence de distribution des différentes parties du carnet.