La transformation du lien d’autorité dans le monde numérique

Porte d’entrée de tout le droit du travail et ligne de démarcation entre les régimes de sécurité sociale des salariés et des indépendants, l’autorité qui caractérise le contrat de travail présente deux facettes : un pouvoir de direction et de surveillance. Elle a fait son entrée dans le droit à l’ère industrielle, marquée par une hiérarchie très forte et une organisation très centralisée. La transformation profonde du monde par l’effet des technologies numériques affecte les rapports sociaux de façon considérable. L’étude explore la mesure dans laquelle cette transformation influence le lien de subordination. Globalement, l’autorité de l’employeur n’a pas décliné mais s’exerce autrement. Les technologies numériques peuvent libérer le salarié des contraintes spatio-temporelles et ont contribué à assouplir la gestion du personnel dans le sens d’une plus grande autonomie et d’une responsabilisation du salarié, au mépris cependant des dispositions régulant le temps de travail. Mais les mêmes technologies fournissent à l’employeur de puissantes facultés de commandement et de surveillance et peuvent conduire à une subordination accrue à l’employeur et/ou à l’algorithme qui se substitue à lui. Les décisions assistées ou prises par une intelligence artificielle échappent toutefois largement au contrôle de l’employeur. Les technologies contemporaines ont aussi la capacité d’observer le salarié de manière continue, d’enregistrer toutes ses actions, d’agréger et recouper toutes les données récoltées à son sujet, parfois de manière subreptice. Les remparts juridiques contre les excès que permettent ces technologies sont, pour l’heure, principalement constitués des dispositions qui ne sont pas propres au droit du travail, le droit de la protection des données personnelles et la législation sur l’intelligence artificielle