Abstract :
[fr] La procédure pénale est une matière d’ordre public. Le juge répressif sera, par conséquent, tenu de soulever d’office, dans le respect des droits de la défense, tous les moyens qui touchent à l’exercice de l’action publique.
Il lui appartiendra de la sorte d’examiner sa compétence, les conditions de recevabilité et d’extinction de l’action publique, la limite de saisine, la régu- larité des éléments de preuve, la qualification de l’infraction et le respect des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité.
Le principe dispositif au pénal, pas plus que l’accord des parties sur la mise en état portant sur l’action publique, ne s’imposent aux juridictions répressives.
Nous le savons, l’infraction donne lieu à deux types d’actions : d’une part, l’action publique dans la mesure où le fait infractionnel « a lésé un intérêt général que le législateur a voulu protéger par la menace d’une peine » et, d’autre part, l’action civile lorsque cette infraction a également heurté un intérêt privé et causé un dommage à autrui.
L’action publique trouve donc sa source dans l’infraction et poursuit un but d’ordre public, soit l’application d’une peine, d’une sanction ou d’une mesure de sûreté au délinquant4. Il s’agit de l’objet principal du procès pénal qui appartient à la société, représentée par le ministère public.
L’action civile, quant à elle, tend à la réparation du dommage causé à la victime d’une infraction. Elle poursuit un objectif d’ordre purement privé. Dans ce contexte, le juge répressif dispose d’une liberté d’appréciation plus encadrée puisqu’il lui faut statuer dans la limite de ce qui lui est demandé par les parties au procès.
En procédure pénale, nous venons de le dire, le juge, à condition de respecter les droits de la défense, a l’obligation d’examiner les faits dont il est saisi sous toutes leurs qualifications possibles et de donner à ceux-ci la qualification adéquate. Il rentre par conséquent dans l’office du juge de modifier, u compléter la qualification originaire pour autant toutefois que la qualifica- tion nouvelle englobe les mêmes faits.
Le respect des droits de la défense implique que le juge applique le prin- cipe du contradictoire, notamment lorsqu’il tranche un litige sur la base d’un motif invoqué d’office ou d’une exception soulevée d’office. À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme précise que l’élément déterminant est la question de savoir si une partie a été « prise au dépourvu » par le fait que le tribunal a fondé sa décision sur un motif relevé d’office. La Cour ajoute qu’une diligence particulière s’impose au tribunal lorsque le litige prend une tour- nure inattendue, d’autant plus s’il s’agit d’une question laissée à la discrétion du tribunal. Le principe du contradictoire commande que les tribunaux ne se fondent pas dans leurs décisions sur des éléments de fait ou de droit qui n’ont pas été discutés durant la procédure et qui donnent au litige une tournure que même une partie diligente n’aurait pas été en mesure d’anticiper.
Ces constats étant posés et en ayant sélectionné divers arrêts récents pro- noncés par la Cour constitutionnelle au cours de ces dernières années, nous exposerons, en suivant le fil rouge du déroulement chronologique des dif- férentes phases du procès pénal, diverses considérations relatives à l’office du juge dans le contexte singulier de la procédure pénale. Pour ce faire, nous nous sommes astreints à apprécier si la Cour, au regard des prérogatives du juge, pose ou non des verrous procéduraux susceptibles de limiter le pouvoir d’apprécia- tion du magistrat répressif.