L'INSTITUTIONNALISATION DU TRAVAIL DE PLATEFORME DANS UNE CRISE DE LA RÉGULATION - Une étude multiniveau dans le secteur taxi à Bruxelles

Le travail de plateforme est un sujet sensible, largement débattu du fait des enjeux qu’il soulève et qui questionnent non seulement sa régulation, mais également et plus largement l’avenir de l’emploi. En effet, l’introduction de la technologie dans les relations de travail renverse les rapports de force entre l’organisation et les travailleurs, si bien qu’un appel à une régulation fait l’unanimité tant dans la sphère publique, scientifique que légale. Peu de décisions politiques semblent capables d’apaiser le sentiment d’indignation qu’il crée autour de lui. En nous plongeant dans la littérature, nous observons que tous les enjeux soulevés incriminent essentiellement le système capitaliste ainsi que l’omnipotence du management algorithmique, qui va jusqu’à aliéner les travailleurs et les empêcher de rééquilibrer les rapports de force entre eux et les entreprises de plateformes. Comment le travail de plateforme s’institutionnalise-t-il, en dépit des crises de régulation qu’il suscite ? Comment parvient-il à s’institutionnaliser malgré le manque de légitimité qui lui est accordé ? Cette thèse de doctorat s’articule autour de trois articles et d’une discussion qui apportent une réponse substantielle ainsi que des éclairages permettant de comprendre les mécanismes sous-jacents de la problématique. Cette recherche contribue de cette façon à la littérature sur la régulation du travail dans les sciences de gestion, en dépassant le déterminisme normatif et structurel que nous y observons. Nous montrons comment le travail de plateforme s’institutionnalise auprès des acteurs sur le terrain, et ce dans le secteur taxi à Bruxelles. L'approche privilégie les discours des acteurs, sortant des débats sur la régulation au sens légal du terme, pour rendre intelligibles les changements institutionnels autour du travail à l’aune des significations des acteurs de terrain. La recherche adopte une perspective multifocale, englobant les niveaux micro, méso et macro, et s’inspire des théories néoinstitutionnelles afin de cerner la création de sens qui sous-tend cette institutionnalisation. Nos résultats montrent ainsi l’influence cruciale des contextes politiques, sociaux et économiques et de la place que prend la technologie dans la légitimité accordée au travail de plateforme. Nous aboutissons à la nécessité de saisir la complexité et la multiplicité des significations qu’implique la régulation du travail de plateforme en dehors du cadre légal proprement dit.