Première caractérisation du régime alimentaire aux périodes préhispaniques récentes (1000 - 1532 CE) dans le haut Nepeña (Pérou) à travers les variations isotopiques (C, N et S) de tissus mous

Les populations des périodes préhispaniques récentes (1000 - 1532 EC) dans le bassin versant supérieur du fleuve Nepeña (au-dessus de 3000 m d’altitude) ont été très peu étudiées et encore plus rarement d’un point de vue bioanthropologique et biogéochimique.
T7 à Racratumanca (RAC8) et T12 à Intirumi (PUK20) sont des tombes collectives datées entre 1300 et 1500 EC. Racratumanca abritait un minimum de 42 individus de toutes les catégories d’âges, allant de l’âge fœtal à mature, alors qu’Intirumi comportait un minimum de 20 individus et présentait un recrutement funéraire particulier comprenant une majorité d’hommes adultes. Des échantillons de tissus mous momifiés représentant 26 individus ainsi que 24 ongles isolés provenant de deux tombes ont été analysés afin d’étudier les variations isotopiques du carbone (δ¹³C), de l'azote (δ¹⁵N) et du soufre (δ³⁴S).
De manière générale pour les deux sites, les résultats obtenus suggèrent un régime alimentaire majoritairement basé sur des plantes C4 (maïs et/ou amarante) et des animaux terrestres. Les valeurs de δ¹³C indiquent que les individus déposés à Intirumi consommaient plus de plantes C4 que ceux de Racratumanca et ce de manière significative. Aucune différence significative n’a, par contre, été recensée entre les individus de sexe biologique féminin et masculin pour les deux sites. Enfin, les résultats ont été comparés à ceux des sites de la même période afin de les insérer dans le contexte des hautes terres andines.
Cette étude exploratoire suggère que les tissus mous sont d’un grand intérêt pour les études isotopiques dans les Andes. En effet, les sépultures dites “ouvertes” qui contiennent des restes désarticulés momifiés sont omniprésentes dans les hautes terres. Explorer les tissus momifiés, si fréquemment découverts dans ces contextes, au travers des analyses isotopiques enrichirait grandement le corpus de données sur la diète pour les périodes récentes. En outre, couplées aux données archéologiques et bioanthropologiques, ces résultats apportent de nouveaux éléments pour interpréter Intirumi comme lieu de dépôt et vénération d'individus au statut particulier (religieux ou politique).