Ventiler à l’ère de l’Anthropocène

Ce chapitre analyse des productions architecturales relevant de l’« innovation par retrait », à partir de scènes dans lesquelles des agences d’architecture et bureaux d’études s’engagent, non sans difficulté, dans la production de logements collectifs énergétiquement efficients et ventilés naturellement. L’analyse montre que ces acteurs font à la fois œuvre d’innovation et acte politique, ouvrant des voies alternatives aux logiques technico et énergético-centrées des politiques environnementales appliquées au secteur de la construction. D’une part, la recherche identifie et explicite les dynamiques sociotechniques d’association et de dissociation à l’œuvre dans les productions architecturales étudiées, caractérisés par des réarrangements originaux entre circulation de l’air, matériaux, aménagements de l’espace, outils d’objectivation et de simulation, mais aussi entre architectes, bureaux d’études, maîtres d’ouvrage, pouvoirs publics voire laboratoires de recherche et artisans. D’autre part, elle met en lumière les tactiques et stratégies que ces architectes et leurs alliés déploient pour (tenter de) parvenir à ventiler des logements sans machine jusqu’à parfois se mettre hors la loi, et pour mener un travail d’intéressement vis-à-vis du bon sens écologique et de la faisabilité de leur démarche. A partir des enseignements de ces analyses, le chapitre conclut en relevant et en discutant les situations de verrouillage sociotechnique auxquelles sont confrontées les pratiques architecturales engagées dans une démarche low tech.