Abstract :
[fr] En Afrique Centrale, l’exploitation du bois d’œuvre a un impact limité sur le couvert forestier. Dans les concessions aménagées, seulement un à deux pieds sont prélevés tous les 25 à 30 ans. Toutefois, historiquement focalisée sur un nombre limité d’espèces, l’exploitation industrielle a engendré un écrémage des peuplements. Aujourd’hui, le déficit de régénération naturelle de certaines espèces, ainsi que la diminution globale de la qualité des arbres, met en péril la viabilité d’un modèle d’aménagement dit durable. Afin de réduire la pression sur les espèces traditionnelles, la diversification de la production par l’exploitation d’essences jusqu’à présent ignorées pourrait être une solution. Néanmoins, le terme « essence » est une appellation commerciale pouvant correspondre à plusieurs espèces dont les propriétés du bois ou l’écologie, deux informations cruciales pour la gestion durable, pourraient différer. Avant de valoriser un nouveau taxon, il est donc nécessaire de pouvoir distinguer, tant sur le plan botanique qu’au niveau du bois, les différentes espèces potentiellement concernées.
Au travers d’une approche multidisciplinaire, l’objectif de cette thèse est d’évaluer la faisabilité de valoriser une série d’espèces dites secondaires identifiées sur base des volumes disponibles et de leur intérêt potentiel pour les sociétés œuvrant dans les deux grands types de forêts d’Afrique centrale (les forêts semi-décidues et sempervirentes). Cinq essences ont été identifiées comme répondant à ces critères : le Mubala (Pentaclethra macrophylla Benth.), l’Eyek (Pachyelasma tessmannii (Harms) Harms), l’Eveuss (Klainedoxa gabonensis Pierre ex Engl), l’Ossoko (Scyphocephalium mannii Warb.) et l’Omvong (Dialium spp.). Elles ont été étudiées dans deux concessions attribuées à des sociétés certifiées PEFC et/ou FSC : Pallisco en forêt semi-décidue et CEB-Precious Woods en forêt sempervirente.
Après une introduction (Chapitre 1) rappelant les principaux concepts liés à l’exploitation durable des massifs forestiers, les deux premiers chapitres sont dédiés à la clarification de la notion d’essence. Ils se focalisent sur les espèces du genre Dialium reprises sous le vocable Omvong. Dans le Chapitre 2 les traits botaniques ainsi que la composition chimique du bois de trois morphotypes de Dialium sont comparés. Les différences significatives observées suggèrent la présence d’une nouvelle espèce. Ses folioles sont clairement distinctes de celles des espèces proches : Dialium polyanthum Harms et Dialium lopense Breteler. La composition du bois de cette nouvelle morpho-espèce est également différente et peut être identifiée sur base du spectre infrarouge de son bois. Le statut taxonomique de cette nouvelle espèce est ensuite traité dans le Chapitre 3. L’ensemble des traits botaniques fertiles et stériles, ainsi que leur variabilité au sein d’une population de l’est du Gabon y sont décrits. Sur base des occurrences collectées, son aire de répartition et son statut provisoire de conservation sont étudiés. Son écologie est finalement comparée à celle des autres espèces présentes dans le site d’étude. Cette nouvelle espèce est restreinte à l’est du Gabon et peut être classée comme Endangered (EN) selon les critères de l’UICN. Son écologie est différente des autres espèces du site d’étude.
Le Chapitre 4 étudie une série de propriétés du bois des espèces sélectionnées. Elles ont ensuite été comparées à celles de 96 autres essences africaines sur base d’une analyse multivariée. Après identification des espèces commerciales les plus proches, une liste des usages potentiels a pu être dressée. L’Eveuss, le Mubala et les Omvong (à l’exception de D. bambidiense qui est moins durable) ont des bois utilisables pour des travaux lourds en contact avec l’eau douce. Ces essences ont des propriétés proches de celles de l’Azobé, du Tali ou de l’Okan. L’Eyek est davantage destiné aux travaux de menuiserie ou d’ébénisterie avec un bois similaire au Dabéma. L’Ossoko, valorisable en moulure ou en menuiserie intérieure, est dans un groupe d’espèces peu commercialisées comprenant l’Ozigo.
Le Chapitre 5 se penche sur deux de ces espèces dont la conformation particulière rend difficile l’estimation des volumes mobilisables : P. macrophylla et S. mannii. Des équations de cubages spécifiques, intégrant différents paramètres de conformation, ont été ajustées pour chaque espèce. Ces mêmes paramètres ont également été corrélés avec leurs rendements de transformation. Il a été montré que l’utilisation des classes de qualités relevées lors des inventaires et de la profondeur des cannelures peut améliorer l’estimation de leurs volumes. D’autres paramètres (tels que le diamètre ou la hauteur du fût) peuvent être utilisés pour sélectionner les arbres et améliorer les rendements. Ce chapitre préconise finalement de n’exploiter que les arbres répondant à des critères stricts de qualité afin d’assurer une transformation rentable.
Le Chapitre 6, en considérant les résultats précédents, vise à proposer des mesures de gestion assurant une production rentable d’arbres de qualité sur le moyen terme. Pour ce faire, la croissance des espèces a été étudiée dans des dispositifs permanents et des modèles de croissance ont été ajustés. L’évolution des populations, en termes d’arbres exploitables par classe de qualité, a été modélisée sous différents scénarii sylvicoles à l’aide d’un modèle matriciel. Il s’est avéré que les exigences légales actuelles ne permettront pas de maintenir un niveau satisfaisant d’arbres de qualité sur le moyen terme sans l’adoption de certaines mesures complémentaires comme la généralisation du coefficient d’exploitation comme outils de gestion.
Finalement, le dernier chapitre (Chapitre 7) dresse une synthèse des freins à la valorisation des espèces secondaires étudiées et préconise des mesures de gestion pragmatiques pour la gestion durable des forêts d’Afrique Centrale
[en] In Central Africa, timber logging has a limited impact on forest cover. In forest concessions, only one to two trees are harvested every 25 to 30 years. However, the historical focus on a limited number of species in industrial exploitation has led to a selective creaming of populations. Today, the deficit in natural regeneration of some species, along with a general decline in tree quality, jeopardizes the viability of a so-called sustainable management model. To alleviate pressure on traditional species, diversifying production by logging lesser known timber could be a solution. Nevertheless, the term "timber" is a commercial designation that may encompass several species with differing wood properties or ecology, crucial informations for sustainable management. Therefore, before promoting a new taxon, it is necessary to distinguish involved species both botanically and in terms of wood characteristics.
Through a multidisciplinary approach, the aim of this thesis is to assess the feasibility of pormoting a series of species identified based on available volumes and their potential interest for societies operating in two major types of Central African forests (semi-deciduous and evergreen forests). Five species were identified as meeting these criteria: Mubala (Pentaclethra macrophylla Benth.), Eyek (Pachyelasma tessmannii (Harms) Harms), Eveuss (Klainedoxa gabonensis Pierre ex Engl), Ossoko (Scyphocephalium mannii Warb.), and Omvong (Dialium spp.). They were studied in two concessions awarded to PEFC and/or FSC certified companies: Pallisco in semi-deciduous forest and CEB-Precious Woods in evergreen forest.
After an introduction (Chapter 1) recalling the main concepts related to sustainable exploitation of forest, the first two chapters are dedicated to clarifying the notion of "species." They focus on Dialium species grouped under the commercial name Omvong. In Chapter 2, botanical traits and the chemical composition of wood from three morphotypes of Dialium are compared. Significant differences suggest the presence of a new species. Its leaflets are distinct from those of closely related species: Dialium polyanthum Harms and Dialium lopense Breteler. The wood composition of this new morpho-species is also different and can be identified based on the infrared spectra of its wood. The taxonomic status of this new species is then addressed in Chapter 3, describing all fertile and sterile botanical traits and their variability within a population in East Gabon. Based on collected occurrences, its distribution range and provisional conservation status are studied. Its ecology is finally compared to that of other species present in the study site. This new species is restricted to Eastern Gabon and can be classified as Endangered (EN) according to IUCN criteria. Its ecology differs from other species at the study site.
Chapter 4 studies various wood properties of the selected species, comparing them to those of 96 other African species based on multivariate analysis. After identifying the closest timbers, a list of potential uses was compiled. Eveuss, Mubala, and Omvong (except for D. bambidiense, which is less durable) have wood suitable for heavy work in contact with fresh water, similar to Azobe, Tali, or Okan. Eyek is more suitable for cabinetmaking with wood similar to Dabema. Ossoko, suitable for moulding or interior cabinetmaking, is in a group of less valued species including Ozigo.
Chapter 5 focuses on two species with unique conformations making it difficult to estimate mobilizable volumes: P. macrophylla and S. mannii. Specific volume equations, incorporating different conformation parameters, were adjusted for each species. These same parameters were also correlated with their processing yields. It was shown that using quality classes recorded during inventories and the depth of the butresses can improve volume estimation. Other parameters (such as trunk diameter or height) can be used to select trees and improve yields. This chapter ultimately recommends exploiting only trees meeting strict quality criteria to ensure profitable processing.
Considering the previous results, Chapter 6 aims to propose management measures ensuring profitable mid-term production of quality trees. To achieve this, species growth was studied in permanent plots, and growth models were adjusted. The evolution of populations in terms of harvestable trees by quality class was modeled under different silvicultural scenarios using a matrix model. It was found that current legal requirements will not maintain a satisfactory level of quality trees in the medium term without the adoption of additional measures, such as the widespread use of the exploitation coefficient as a management tool.
Finally, the last chapter (Chapter 7) provides a synthesis of barriers to the valorization of secondary species, recommends pragmatic management measures to ensure a sustainable management of forests.