Abstract :
[fr] L’objectif général de cette thèse était de comprendre l’histoire évolutive du campagnol roussâtre (Myodes glareolus) en Eurasie à l’aide de la génétique moléculaire et des méthodes développées en phylogéographie et en génétique des populations mais aussi, par une approche multidisciplinaire impliquant des données morphologiques, paléontologiques, géologiques, paléoenvironnementales, écologiques et éthologiques. Un patron phylogéographique complexe et unique a été mis en évidence par la découverte de cinq lignées méditerranéennes et quatre lignées continentales pour cette espèce. Chacune de ces lignées présente une histoire évolutive particulière et permet de jeter un éclairage nouveau sur certains concepts et processus phylogéographiques. Le patron phylogéographique d’une espèce peut être perçu comme un système en perpétuelle évolution, les réponses des organismes face aux changements environnementaux pouvant être très variables en termes de contraction, expansion, différenciation et extinction. La découverte de plusieurs lignées de campagnols roussâtres en péninsule ibérique, italienne et en Europe centrale révèle la complexité phylogéographique rencontrée au niveau de certaines régions refuges. La fragmentation du milieu durant les glaciations aurait conduit à structurer l’espace géographique en îles d’habitat ou îles continentales (les refuges glaciaires) qui ont joué et jouent encore un rôle majeur dans l’émergence et l’évolution de la diversité génétique intraspécifique. Dans cette optique, cette thèse de doctorat révèle que les populations méditerranéennes s’avèrent être les garantes des plus hautes valeurs de diversité et de richesse intraspécifique malgré le fait qu’elles occupent une petite partie de l’aire de distribution de l’espèce.Les régions méditerranéennes ont vu la contraction et l’expansion de nombreuses populations d’espèces tempérées au fil des refroidissements et réchauffements du Pleistocène. A côté de cette stratégie de survie des populations face aux changements climatiques, notre étude montre que certaines populations situées dans des refuges glaciaires nordiques ont été capables de survivre in situ aux glaciations, en recherchant localement les conditions environnementales les plus favorables ou en s’adaptant à un nouvel environnement. En Russie, les populations de campagnols roussâtres ont subi une diminution drastique de leur diversité génétique et une extinction de plusieurs populations, suite aux changements brutaux des ceintures de végétation dans cette région durant les changements climatiques. Néanmoins, il existe un signal d’expansion post-glaciaire large et rapide pour ces populations ce qui montre leur capacité d’expansion sur de très longues distances dès que l’habitat leur redevient plus favorable. Finalement, l’étude d’une lignée de campagnol roussâtre introgressée par l’ADN mitochondrial d’une autre espèce, nous a permis d’aborder la question de l’hybridation interspécifique chez les mammifères. La découverte de cette lignée largement étendue géographiquement et, dans certaines régions, très probablement soumise à la sélection naturelle, démontre que l’hybridation interspécifique peut aussi être source de diversité et d’adaptation chez les mammifères.