Éloge de la traduction ou comment « composer avec » les versions de la Charte de Venise

Existe-il une Charte de Venise? Consulter plusieurs versions linguistiques du document révèle immédiatement qu’elles sont loin de dire la même chose. Ce constat, qui contredit les ambitions universalistes de la charte, s’ajoute aux nombreuses critiques qui lui ont été adressées au cours des deux dernières décennies. Fer de lance d’un « discours patrimonial autorisé » eurocentré, la Charte de Venise doit-elle une fois pour toutes être jetée aux oubliettes dans le contexte post-colonial qui est le nôtre? Ou au contraire, reste-t-elle valide envers et contre tout, moyennant quelques adaptations? Face à ces attitudes extrêmes, nous proposons une alternative: à la manière de la philosophe Barbara Cassin, voir dans les traductions de la charte non la preuve d’un échec de ses prétentions initiales ou un mal qu’il s’agirait de réparer, mais une opportunité magnifique de comprendre ce que ces différences disent de nos relations culturelles au patrimoine, dans une logique d’enrichissement mutuel.