Enseigner la langue de scolarisation à des élèves allophones : analyse de postures enseignantes

En Fédération Wallonie-Bruxelles, depuis la création des premières classes-passerelles (2001), les équipes éducatives proposent des dispositifs d’accueil des élèves primoarrivants à géométrie variable, profitant de la latitude laissée par les décrets successifs. Le dernier décret (2019) relatif aux Dispositifs d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants (DASPA) a mis en lumière une double urgence, à la fois éthique et didactique : la nécessité de penser des dispositifs plus inclusifs et davantage centrés sur la dimension langagière des apprentissages scolaires. Ainsi les élèves primo-arrivants doivent intégrer leur classe d’âge après dix mois dans le dispositif, de manière progressive : ce dispositif vise une inclusion précoce de l’élève dans la classe ordinaire, tout en maintenant un accompagnement spécifique (principalement linguistique) au sein du DASPA. Cependant, l’articulation entre la mise à niveau linguistique des élèves allophones primo-arrivants et le développement des compétences langagières liées aux matières scolaires reste problématique. Les enseignant·es manquent de formation, d’outils et de méthodes appropriés (notamment pour le positionnement initial, l’évaluation des compétences littéraciques disciplinaires et la valorisation des langues familiales ou d’éducation antérieure) leur permettant de faire face à la complexité des trajectoires des élèves, à leur plurilinguisme et à la transition entre le DASPA et les classes régulières. L’amalgame entre un manque de compétence à l’écrit et un manque de compétence intellectuelle chez ces élèves induit une orientation précoce vers des filières professionnalisantes, sans prise en compte de leurs capacités et/ou de leurs projets. Nous présenterons ici les analyses issues de 32 entretiens individuels d’enseignant·es de français, de disciplines non-linguistiques, et de directeur·trices d’écoles, issu·es de 5 écoles secondaires. Nous étudierons en particulier les postures (normative vs diversitaire) adoptées par les enseignant·es vis-à-vis des langues parlées par leurs élèves.