De quelques idées doxiques « circulantes » sur le plurilinguisme en milieu scolaire

Malgré le caractère inclusif des récentes réformes de l’enseignement en Belgique francophone, peu d’enseignant·es mettent en œuvre des approches plurielles dans leur classe (Auger, 2010 ; Auger & Le Pichon, 2021 ; Cummins, 1979, 2000 ; Moore, 2019). Le système éducatif perpétue au contraire une doxa (Sarfati, 1998 ; Amossy, 2012) monolingue en ignorant les langues familiales des élèves primoarrivants ou issus de l’immigration, voire en interdisant l’utilisation de ces langues à l’école (Lucchini, Oger, Alais & El Karouni, 2018 ; Meunier, 2022, 2023 ; Oger, 2019 ; UNIA, 2018 ; Verhoeven, 2011).
Nous proposons d’analyser discursivement certaines idées doxiques « circulantes » (Charaudeau, 1997) dans le milieu scolaire : le plurilinguisme y est souvent associé à des images de mélange, de confusion ou de dégénérescence ; les gestes didactiques se fondent sur des figures d’élèves stéréotypées (dits « vulnérables », « volontaires »…) qui reproduisent un discours homogénéisant et (dé)classant ; la vision déficitaire des compétences langagières des élèves sert l’argumentation dans une causalité doxique, où l’explication de cause (le bilinguisme des élèves) à effet (leurs faibles performances scolaires) repose sur des discours d’autorité à valeur d’évidence. Les données analysées sont issues d’entretiens semi-dirigés et d’échanges informels avec des enseignant·es du secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles.