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Abstract :
[fr] En 2005, Bernard Perron établit une tripartition des émotions suscitées par le jeu vidéo : les émotions fictionnelles (lorsque le joueur considère l’action dans le rôle d’un spectateur), les vidéoludiques (lorsqu’il a la main sur l’action) et les artistiques (lorsqu’il juge le jeu d’un point de vue externe). À cette classification, nous ajoutons un quatrième type d’émotions, que nous baptisons « métaleptiques », à mi-chemin entre les postures d’engagement et de réflexivité que reflète la catégorisation de Perron.
Ce quatrième type de ressenti, très singulier, se manifeste dans une minorité d’œuvres. En effet, même si la métalepse est une composante essentielle du média, au point de paraitre lexicalisée, l’émotion métaleptique consiste à provoquer chez le joueur une soudaine remise en cause des frontières de la fiction, à simuler, non pas un frôlement anodin du quatrième mur, mais sa rupture incommodante et bien souvent effrayante.
Sur la base d’une analyse qualitative de dispositifs issus de jeux provenant de plusieurs horizons (des bestsellers comme Metal Gear Solid et Eternal Darkness : Sanity’s Requiem aux jeux indépendants comme Doki Doki Literature Club ! et Undertale), notre contribution explorera les conditions de suscitation de ces émotions ainsi que leurs effets sur le joueur. Ainsi, il apparait notamment qu’elles nécessitent des dispositifs rhétoriques rares, voire uniques, impliquant une remise en cause des codes du média. Plus intéressant encore, celle-ci participe au dispositif tout en constituant sa finalité, puisque, en jouant avec le joueur, l’émotion métaleptique vise surtout à provoquer la réflexion de celui-ci sur sa pratique et sur les éléments vidéoludiques qui lui apparaissent trop naturels.