Numérique & patrimoine : des méthodes pour révéler les stratégies professionnelles

La « numérisation » des institutions patrimoniales a progressivement innervé l’ensemble des pratiques professionnelles. Conservation, recherche, médiation s’enrichissent, et se renouvellent parfois, au contact de pratiques outillées numériquement : les bases de données numériques ont remplacé les cahiers d’inventaire ; la numérisation des objets patrimoniaux permet de meilleures connaissance, conservation et valorisation ; applications, tables tactiles et autres dispositifs conduisent à repenser la visite d’un musée ou d’un monument. Ce terrain de recherche semble dès lors propice au déploiement d’une approche communicationnelle des stratégies professionnelles, lesquelles s’inscrivent dans et jouent avec des régimes d’injonction particulièrement denses.
Si l’analyse de la réception par les publics, souvent dans une visée évaluative, est fréquemment mise en œuvre, une compréhension plus fine de ces stratégies d’acteurs, en particulier dans leurs enjeux de légitimation professionnelle semble encore à étayer. Quelles sont les intentions et les régimes de justification portés par les acteurs du patrimoine dans le développement de dispositifs numériques patrimoniaux. Et surtout comment les interroger, épistémologiquement et méthodologiquement ? En effet, ce mouvement de « numérisation » des institutions patrimoniales remet à plat les (en)jeux de pouvoir du monde du patrimoine, déjà fortement interrogés par les études critiques du patrimoine. L’arrivée des acteurs du secteur du numérique dans cet écosystème et la nécessité d’appropriation réciproque des cultures professionnelles semblent fournir au chercheur un terrain d’étude particulièrement propice à l’analyse des processus d’ajustement professionnel.
C’est donc à la manière dont le/la chercheur.e en sciences de l’information et de la communication peut saisir et rendre compte de ces logiques professionnelles que ce panel souhaite s’intéresser. Il s’agira, à partir des travaux menés collectivement et individuellement par les différents panelistes, d’expliciter les méthodes de recherche (observation participante, focus group avec des professionnels, sémiologie des dispositifs numériques…), les matériaux d’enquête (discours d’escorte et récit d’acteurs) et les postures et regards des chercheur.e.s. Le panel souhaite ainsi ouvrir à la discussion le croisement des méthodologies pour porter un regard compréhensif sur les acteurs des mondes du patrimoine et du numérique et leurs pratiques.