Abstract :
[fr] Force est de constater que les genres textuels suscitent depuis plusieurs décennies un vif intérêt dans les champs d’études linguistiques, mais également didactiques. Ainsi, une vaste littérature scientifique internationale (notamment suisse, canadienne, brésilienne, australienne) sur l’étude des genres textuels s’est progressivement développée. Toutefois, ce domaine de recherche semble susciter relativement peu d’intérêt en Belgique francophone. À l’instar de plusieurs chercheur·es (Lousada, 2008 ; Guimarães-Santos, 2018 ; Simons, 2018), nous estimons que le genre textuel est assurément un aspect important de l’approche communicative, mais qu’il l’est sans doute encore davantage dans la perspective actionnelle préconisée par les auteur·es du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001), lequel influence considérablement les politiques éducatives en Europe. En effet, il nous semble que le recours à l’étude du genre textuel donne non seulement du sens à l’apprentissage, mais qu’il permet également à l’élève de mieux comprendre la société dans laquelle il·elle évolue(ra) et surtout de s’y insérer et d’y intervenir en tant qu’acteur·rice social·e, ce qui est l’un des objectifs prioritaires de la perspective actionnelle (Bento, 2013 ; Puren, 2006, 2014 ; Rosen, 2009) .
Parmi les genres textuels, il nous a semblé́ particulièrement important d’étudier le débat de société public régulé. En effet, il véhicule, entre autres, des valeurs démocratiques (écoute, respect, tolérance) et permet l’acquisition de nombreuses compétences linguistiques (lexique, grammaire, fonctions langagières...), génériques (tour de parole, tâche du·de la modérateur·rice, structure du débat...) et de vie (savoir prendre des décisions, savoir gérer ses émotions, développer une pensée critique...). De plus, le débat de société public régulé permet d’exercer, en classe de langues étrangères, les compétences d’interaction orale et d’audition, mais il permet aussi de travailler les compétences de lecture et d’écriture. De nombreuses stratégies de communication (pallier un manque linguistique, faire répéter, interrompre, demander de parler moins vite...) peuvent également être mises en pratique à travers celui-ci. Enfin, si le monde anglo-saxon normalise, depuis de très nombreuses années, l’enseignement du débat grâce à de nombreux clubs au sein des institutions scolaires, aux sessions de cours axées sur cette thématique et aux diverses compétitions qui se déroulent régulièrement en Grande-Bretagne et aux États-Unis notamment, le monde francophone, en revanche, semble beaucoup plus frileux quant à son enseignement. L’enseignement du débat de société public régulé représentait donc un objet d’étude inédit à explorer en Belgique francophone.
Nous avons étudié le débat de société public régulé selon deux approches : explicite et implicite. On peut, en effet, penser que certain·es enseignant·es exposent leurs élèves à différentes formes de DSPR, mais n’explicitent pas sa structure interne, ni même les savoirs et savoir-faire linguistiques, ni les attitudes que le débat mobilise. Dans ce cas, l’apprentissage se fait de manière implicite, notamment par exposition à différents inputs, par imprégnation, puis par imitation. En revanche, les tenant·es d’un enseignement explicite (notamment Clément, 2015 ; Gauthier et al., 2013 et Rosenshine, 1986) estiment qu’il importe d’aider les élèves à identifier les savoirs en jeu et d’expliciter ces derniers avant de les exercer séparément, puis de les mobiliser dans une « tâche complexe ». Relevons au passage que cette variable explicite vs implicite est en lien direct avec la notion d’équité, qui est au cœur des débats actuels sur l’enseignement.