Assassinat de La Ruelle. Lecture romaine

Le 16 avril 1637, Sébastien La Ruelle, ancien bourgmestre de la cité de Liège et figure de proue du parti des Grignoux favorable à la France est assassiné. Dans son sillage, plus de quarante personnes sont tuées, dont le commanditaire du meurtre, René II de Renesse comte de Warfusée. En quelques jours, les nouvelles de l’évènement transforment le massacre en complot politique. Alors que le conflit civil qui polarise la cité entre partisans des Chiroux et des Grignoux fait localement écho aux divisions qui marquent l’Europe de la guerre de Trente Ans, toutes les puissances voisines sont désignées comme actrices du bain de sang : France, Pays-Bas méridionaux, Espagne, Empereur, Provinces-Unies, prince-évêque de Liège. L’objectif de cette contribution est, dans la perspective d'une histoire de la communication politique, d’étudier le récit que la diplomatie pontificale élabore de l’évènement. L’analyse des réactions et des omissions des envoyés du Saint-Siège en poste à Cologne, Bruxelles et Paris permet d'inscrire la lecture pontificale du massacre dans le cadre de la mission pacificatrice promue alors par Urbain VIII pour mettre fin à la guerre de Trente Ans. Elle autorise en outre la prise en charge du cadre sociopolitique local dans lequel s’intègrent les envoyés pontificaux résidant à Bruxelles et Cologne au cours des années 1630-1640: un espace de frontières politiques et confessionnelles défini par la guerre, dans lequel la représentation diplomatique du pape comme Père commun des princes catholiques implique, en contexte de lutte civile, des micro ajustements sociaux réguliers et périlleux de la part des diplomates romains, visant à obtenir la faveur de l'un ou l'autre parti. L'étude de leur correspondance met au jour les méthodes que ces derniers emploient pour se dérober des effets délétères de cette partialité provisoire, tantôt par une inflation des justifications, tantôt par le silence.