[fr] L’amélioration de la maitrise de la langue française par les élèves francophones est un enjeu social régulièrement mis sur le devant de la scène par la sphère politico-médiatique, qui s’appuie notamment sur les classements internationaux. Pour remédier à ce problème, les linguistes et didacticiens proposent diverses solutions, telles que la modification du code orthographique, la rénovation du métalangage scolaire ou le recours à de nouvelles méthodes. Si ces propositions d’universitaires sont toutes pertinentes, il convient de ne pas considérer que le savoir élaboré à l’université est directement transposable dans les écoles. Notre communication se focalisera donc sur la question de la transposition didactique, soit le passage du savoir savant au savoir enseigné. Ce processus est un outil essentiel pour étudier les objets d’enseignement influencés par les savoirs universitaires, puisqu’une mauvaise transposition a des effets délétères sur l’enseignement-apprentissage.
Dans le domaine grammatical, plusieurs études ont déjà porté sur la transposition plus ou moins réussie de notions linguistiques en didactique. Il n’existe par contre pas encore de travaux portant sur la transposition didactique des formalismes syntaxiques, c’est-à-dire des représentations graphiques des relations entre les mots (par le biais de symboles, de bulles, de cadres, de flèches, etc.). Or, ces formalismes peuvent sans aucun doute améliorer l’enseignement-apprentissage de la grammaire : (a) on sait que les premiers diagrammes syntaxiques ont été élaborés à des fins pédagogiques ; (b) ces formalisations sont omniprésentes dans la recherche et commencent à faire l’objet d’une évaluation ; (c) une recherche en cours que nous menons tend à montrer que ces formalismes sont bien présents dans les classes, dans les manuels scolaires et sur les tableaux – le dessin permettant de mieux percevoir les entités abstraites que sont les relations syntaxiques.
En analysant conjointement l’échec de la transposition d’« arbres syntaxiques » dans les années 1970, lors de l’importation massive des théories syntaxiques américaines, et la présence des formalismes au sein des grammaires et des manuels scolaires récents (1970-2020), nous chercherons à dégager les logiques principales de cette transposition didactique. Ces logiques concerneront autant la forme (les outils graphiques mobilisés) que le contenu théorique qu’elle véhicule (la valeur de ces outils). À un niveau davantage prospectif, l’état des lieux permettra de dégager des recommandations quant à la transposition didactique de formalismes syntaxiques, à l’heure où la terminologie française comprend pour la première fois des diagrammes. Plus largement, cette communication contribuera à mieux comprendre les rapports complexes entre savoir syntaxique et savoir grammatical et, partant, de la diffusion sociale des savoirs « savants ».