Droit de choisir et devoir démographique. Les évolutions de la législation russe en matière d'avortement et de contraception (1991-2021)

Ce chapitre analyse l’évolution de l’encadrement législatif de l’avortement et de la contraception en Russie, de la perestroïka aux années 2010, sur la base des textes de lois et de réglementation, complétés par un corpus de sources écrites (presse et brochures de popularisation médicale soviétiques). Selon l’approche soviétique post-stalinienne, le droit à l’IVG était un mal nécessaire, afin de préserver la santé et la fertilité des femmes, dans un contexte politique nataliste. En Russie post-soviétique, cette approche permissive a été maintenue dans un premier temps, puis partiellement remise en question, à mesure que la « crise démographique » est devenue une préoccupation centrale. Ce chapitre analyse notamment les circulations transnationales de stratégies militantes anti-avortement, et de législations dissuasives qui permettent l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, tout en organisant une moralisation et une désinformation médicale. Les restrictions au droit à l’avortement introduites en Russie dans les années 2000-2010 s’inspirent de restrictions adoptées aux Etats-Unis depuis les années 1980 : il s’agit d’imposer aux personnes qui requièrent un avortement des avertissement écrits et oraux (dans des formulaires de « consentement informé » et des consultations pré-avortement) qui exagèrent les risques de l’opération, et visent à humaniser le fœtus. Finalement, dans les trois décennies qui ont suivi la chute de l’URSS, la politique russe en matière d’avortement et de contraception a été façonnée par différentes influences occidentales successives : dans un premier temps, elle a sollicité l’aide d’organisations promouvant la « planification familiale » et les « droits reproductifs » ; puis, dans les années 2000-2010, elle s’est tournée vers l’Église orthodoxe russe, elle-même aidée et inspirée par le mouvement anti-avortement états-unien.