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Abstract :
[fr] En bref
Cet ouvrage de synthèse est le fruit de 15 années de recherche sur le terrain, en bibliothèque et en archives ayant abouti à la soutenance d’une thèse doctorale sous la direction des professeures Dominique Allart (Uliège), Krista Dejonghe (KUL) et Monique Mosser (Ingénieure honoraire au CNRS) spécialiste du XVIIIe siècle qui en signe la préface. Sous l’influence de la philosophie des Lumières, des voyages et des découvertes botaniques, l’évolution de l’art des jardins révèle la passion des contemporains pour l’introduction, la collection, l’acclimatation et l’exposition de plantes étrangères. Cette nouvelle vision du jardin contribue à la reconnaissance du statut social du commanditaire et au déploiement de ses valeurs artistiques et culturelles. Elle se manifeste dans des programmes de transformation d’anciens châteaux en demeure de plaisance, l’édification d’hôtels urbains dotés de jardins, l’apparition de maisons de campagne et de pavillons d’habitation. L’intérêt nouveau porté à la nature et aux voyages stimule une production littéraire d’une incroyable diversité de formes et de genres : des petits opuscules portatifs aux grands albums illustrés, des manuels horticoles aux guides de visite, des récits de voyages de botanistes aux promenades littéraires et à la poésie champêtre. L’analyse de ces innombrables productions passait nécessairement par le regard des contemporains (concepteurs, commanditaires, artistes, hommes de lettres ou de sciences, voyageurs) dont les témoignages traduisent cette évolution du goût pour les jardins, l'intérêt pour les plantes venues d'ailleurs et, in fine, pour la nature toute entière, participant directement de l’histoire culturelle de l’Europe des Lumières.
[fr] En détails
En Angleterre, dès les premières décennies du XVIIIe siècle, les créateurs de jardins s’écartent de la grande Manière française pour développer une vision plus naturelle du jardin s’intégrant idéalement dans la campagne anglaise. Ce mouvement d’émancipation de la tradition géométrique pour un style irrégulier participe d’une vaste entreprise culturelle et politique visant à créer un art national répondant davantage aux goûts de la société anglaise. L’adoption de ce nouveau modèle – globalement qualifié de jardin anglais, à l'anglaise ou pittoresque – par les concepteurs du Continent constitue une rupture inédite dans l’histoire de l’art des jardins.
Dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège, cette évolution formelle se manifeste dès 1761 et marque, globalement, les quatre dernières décennies du XVIIIe siècle et le début du XIXe. Sous l’influence des idées des Lumières, le goût des voyages, l'attrait de l’exotisme, la découverte des jardins d’Angleterre et le développement de la sensibilité à l’égard de la nature, l’esthétique des jardins évolue sensiblement dans ses formes et ses matériaux. Ainsi, la seconde moitié du XVIIIe siècle engendre des expressions jardinées très diversifiées qui coexistent jusque vers la fin des années 1820. Les mieux connues sont dénommées jardin anglais (ou à l’anglaise), jardin anglo-chinois et jardin de "goût mélangé". L’examen d’un nombre significatif de témoignages de contemporains a permis d’aborder la question de la dénomination des jardins dans leur contexte, et d’en rendre compte à travers un court essai de terminologie.
Le rassemblement d’un important corpus de près de 600 sources iconographiques, archivistiques et écrites – qui constitue le catalogue d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Liège en 2015 –, appelait une approche transversale afin de (re)découvrir toute la complexité et l’originalité de ces jardins en tant que référents culturels de la société des Lumières, et l’articulation de cette production avec l’avènement du mouvement paysager au début du XIXe siècle. En corrélation avec l’examen de vestiges matériels de terrain, l’étude des sources historiques contribue à une vision renouvelée des programmes d’aménagement des jardins et de l’identité de leurs éléments constitutifs, bâtis, mobiliers et végétaux, révélant des compositions complexes associant tracé irrégulier, goût pittoresque, abondance décorative et passion pour les collections de plantes.
L’analyse de jardins emblématiques et l’examen de l’œuvre de concepteurs belges et étrangers parmi les plus créatifs – en particulier de nombreux architectes français – ont nourri divers développements thématiques marqués par l’adhésion de nombreux acteurs à la franc-maçonnerie, la mainmise des architectes sur la conception des jardins et l’émergence de la figure originale du propriétaire concepteur, véritable orchestrateur de son domaine. Englobant demeure, jardin et paysage, cette nouvelle vision de la propriété participe directement de la reconnaissance du statut social du commanditaire et au déploiement de ses valeurs artistiques et culturelles. Elle se manifeste dans des programmes d’embellissement et de modernisation d’anciennes résidences aristocratiques en demeures de plaisance, la multiplication des maisons et hôtels urbains dotés de jardins et l’apparition de nouvelles typologies d’habitat, d’influence anglaise, avec la maison de campagne et le pavillons d’habitation.
Cette évolutions du goût révèle surtout l’extraordinaire enthousiasme des contemporains pour l’art des jardins, leur engouement pour l’introduction de végétaux étrangers, l’expérimentation de nouvelles typologies végétales et une véritable passion pour la collection de plantes exotiques amenant la multiplication des infrastructures (orangeries, serres, jardins d’hiver) destinées à leur acclimatation et à leur exposition. Ces orientations conduisent à la fin du XVIIIe siècle à un renouvellement complet des modes de composition et de plantation affirmant l’émergence progressive du règne du végétal dans le jardin.
Dans le même temps, l'encyclopédisme associé à la nouvelle sensibilité à l’égard de la nature stimule une production littéraire d’une incroyable diversité où, à côté des textes théoriques (traités, théories, essais, dictionnaires et manuels) paraissent divers « propos sur les jardins » relevant de formes et de genres variés. Des recueils d’architecture aux catalogues de modèles, de petits opuscules portatifs aux grands albums in folio, des récits de voyages de botanistes aux visites d’amateurs et autres promenades littéraires, jusqu’à la poésie champêtre (ou poème de la nature), tous ces auteurs traduisent finalement une diversité de points de vue sur l’art des jardins.
L’analyse de cette importante production passait nécessairement par le regard des contemporains : concepteurs, commanditaires, artistes, hommes de lettres ou de sciences, voyageurs ou simple visiteurs dont les témoignages traduisent les modalités de perception et de réception des modes et des transformations du goût qui caractérisent l’art des jardins dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et le début du XIXe et participent globalement de l’histoire culturelle de l’Europe des Lumières.
