Caractérisation des eaux de l'aquifère du Continental Intercalaire au droit de la dorsale de Mzab, Nord du Sahara Algérien : Approche géochimique et isotopique multi-traceurs (δ18O et δ2H, 14C, 36Cl, Gaz Nobles)

Les villes du nord du Sahara algérien sont tributaires des eaux souterraines pour s'approvisionner en eau à cause de l'aridité du climat. L'aquifère du Continental Intercalaire (CI) est la principale nappe du Système Aquifère du Sahara Septentrional (SASS). Elle exploitée par un nombre considérable de forages au niveau de la région de Ghardaïa située au sein de la dorsale du Mzab prise comme zone d'étude pour la présente thèse. L'objectif principal est de caractériser qualitativement les eaux du CI et de déterminer les conditions climatiques de la paléorecharge en adoptant une approche multi-traceurs consistant à coupler des techniques hydrochimiques et isotopiques.
Les résultats hydrochimiques ont montré que les eaux du CI au niveau de la dorsale du Mzab présentent des caractéristiques chimiques variables en fonction de leur localisation géographique. Ceci a amené à définir un groupe « Oriental » comprenant les échantillons situés au nord (1010 > CE > 3500 µS/cm et faciès SO2-Cl-Ca), et un groupe « Occidental » comprenant ceux situés au sud (340 > CE > 960 µS/cm et faciès HCO3-Ca). Les échantillons de la localité de Hassi Fehal représentent des faciès de transition. La dissolution des formations évaporitiques pour le groupe oriental a été mise en évidence en utilisant les éléments mineurs Br- et Sr2+. Ces interprétations ont été réalisées à l’aide de méthodes hydrochimiques ainsi qu’une analyse multivariable par la méthode SOM (Self-Organizing Maps). Par ailleurs, l’analyse du δ18O-NO3 and δ15N-NO3 a montré que les teneurs relativement élevées en NO3 des eaux du CI ont une origine naturelle qui est la nitrification au sol.
La signature isotopique des eaux du CI captif montre qu'elles sont appauvries en 18O [-9, -4.5‰] et 2H [-64, -47‰] par rapport aux eaux météoriques actuelles. Elles s’alignent, en dessous de la droite météorique internationale, sur la droite « δ2H = 3.01 δ18O - 36.70 » entre un pôle appauvri typique des eaux très vieilles et un pôle enrichi indiquant vraisemblablement un mélange avec les eaux évaporées infiltrées à travers les dunes du Grand Erg Occidental.
Les données des isotopes stables (18O et 2H), du radiocarbone (14C) et des gaz nobles ont également montré les principales périodes de recharge du CI et les conditions paléoclimatiques. Les principales réserves en eau souterraine du CI se sont infiltrées il y a environ 16000 à 35000 ans correspondant au Pléistocène supérieur, avec une recharge d’âge inférieur à 8000 limitée spatialement. Ceci correspond aux phases climatiques humides rapportées dans la bibliographie, en particulier l’African Humid Period (AHP) qui a prévalu il y a environ entre 5000 et 11000 ans (Holocène inférieur et moyen). En supposant que les zones de recharge du CI se situent à des altitudes de 1000 et 650 m pour le groupe oriental et occidental respectivement, les températures de recharge calculées à l’aide des gaz nobles (NGRT) sont autour de 18°C et supérieures à 20°C. Ces températures sont significativement supérieures aux températures moyennes annuelles actuelles des aires de recharge potentielles pour chaque zone.
Par ailleurs, les données 36Cl collectées dans le cadre de ces travaux ont permis, en se basant sur les échantillons ayant des âges 14C relativement jeunes situés à El Goléa, d’affiner des estimations d’une part la teneur initiale en chlorure des eaux de recharge du CI, de l’ordre de 160 mg/L, d’autre part et un rapport initial 36Cl/Cl de 169 ± 16.5 × 10-15 at/at.
Ce travail a donné une attention particulière à la zone sud de la dorsale du Mzab (Hassi Fehal et El Goléa) peu étudiée auparavant. On peut constater sa pertinence par l’importance des résultats obtenus.