Abstract :
[fr] Les Mullidae, connus sous les noms vernaculaires de poissons-chèvres et rougets, constituent des ressources halieutiques généralement privilégiées. La plupart des représentants de cette famille occupent les récifs des côtes tropicales et subtropicales bien que plusieurs espèces vivent dans des zones plus tempérées telles que l’Atlantique-Nord et la Méditerranée. Les Mullidae font partie de l’ordre des Syngnathiformes aux côtés notamment des hippocampes (Syngnathidae) et des poissons trompettes (Aulostomidae). Cette famille rassemble 98 espèces regroupées en 6 genres monophylétiques : Mullus, Upeneus, Upeneichthys, Mulloidichthys, Pseudupeneus et Parupeneus. Une paire de barbillons hyoïdes, l’un des caractères synapomorphiques principaux des Mullidae, permet d'aisément les distinguer parmi les Syngnathiformes. A défaut d’une grande variabilité de la forme du corps, les espèces de rougets diffèrent largement par leurs patrons de coloration. Il est généralement admis que ces traits phénotypiques sont soumis à deux pressions de sélection. Premièrement, la sélection naturelle qui tend à conserver les patrons de coloration favorisant la survie face aux prédateurs par une stratégie de camouflage ou de perturbation de la perception visuelle (rayures, ocelles…). Deuxièmement, la sélection sexuelle qui, sans tenir compte des caractéristiques environnementales, tend à conserver les patrons de coloration qui favorisent l’attraction de partenaires sexuels. A travers cette étude préliminaire, nous avions pour but de tester si cette diversité (ou disparité) de patrons de coloration évolue de manière aléatoire ou est dirigée par certains facteurs. Pour cela, nous avons collecté des données de patrons de coloration chez 80 espèces réparties dans les 6 genres, en codant la présence ou l'absence de marquages spécifiques (ex. bandes verticales, barres horizontales…) sur les trois principales parties du corps : la tête, le tronc et la région caudale (pédoncule et nageoire). Les variations de ces données phénotypiques ont été résumées et visualisées en utilisant une analyse des correspondances multiples (MCA). Parallèlement, nous avons collecté sur FishBase plusieurs données écologiques. Deux traits morphologiques liés à l'écologie des poissons (ratios décrivant la longueur de la tête et la hauteur du corps) ainsi que la profondeur maximale où sont généralement rencontrées ces espèces, ont été mis en relation avec les données de patrons de coloration.
Les analyses de variance (MANOVA) des patrons de coloration et des ratios morphologiques ont révélé que les patrons de coloration diffèrent entre les genres sur les trois parties du corps mais jamais entre assemblages d’espèces provenant de différentes régions géographiques. Ensuite, les analyses de disparité ont montré que la diversité des patrons de coloration diffère peu entre genres et entre régions géographiques. Par contre, la diversité morphologique du corps (longueur de la tête et hauteur du corps) rencontrée chez les différents assemblages géographiques n’est pas homogène. La région centrale de l'Océan Pacifique montre la diversité de forme la plus importante alors que la région ouest de l'Océan Indien présente la diversité de forme la plus faible. Les assemblages de l'Atlantique et de la région centrale de l'Indo Pacifique présentent des valeurs intermédiaires. Les analyses de corrélation (Partial Least Squares - PLS) ont révélé de forts liens entre la morphologie du corps et les patrons de coloration, ainsi qu'entre la profondeur maximale et les patrons de coloration, excepté pour le tronc. Ces données préliminaires suggèrent que l'évolution des patrons de coloration chez les poissons-chèvres n'est pas aléatoire. Des facteurs externes, comme l'écologie, ou internes, comme la modularité développementale, pourraient être les vecteurs de ce schéma de diversité et seront testés prochainement dans un contexte phylogénétique.