Le tatouage et son passage à l’art. Le cas de l’artiste-tatoueur Don Ed Hardy.

En 2019, une rétrospective consacrée au tatoueur et à l’artiste américain Don Ed Hardy, intitulée "Ed Hardy. Deeper than Skin. Art of the New Tattoo", est organisée au Musée des beaux-arts de San Francisco. Cette exposition – présentant le tatouage comme une forme d’art "légitime" et Hardy comme un des principaux instigateurs de son passage à l’art – constitue une consécration révélatrice des phénomènes de légitimation et d’artification qui touchent la pratique depuis les années 1960. Afin d’appréhender ces phénomènes et de saisir par quelles voies ils s’opèrent, nous nous concentrerons sur la production et le parcours Don Ed Hardy, celui-ci incarnant la figure du passeur de cette frontière entre tatouage (non-art) et art.
En plus d’avoir été témoin de l’évolution du tatouage et de sa réception sociale, culturelle et artistique, Hardy a participé activement à sa professionnalisation, son intellectualisation et sa popularisation notamment par la création d’une revue et d’une convention à vocation didactique. Il a redéfini conceptuellement la pratique en y intégrant des conventions et des standards issus des beaux-arts. Il a été aussi l’un des premiers tatoueurs à innover esthétiquement en diversifiant ses sources iconographiques et en proposant des motifs personnalisés et originaux à sa clientèle. Enfin, il fait surtout partie de ces tatoueurs qui ont réussi à intégrer le monde de l’art, comme en témoigne sa présence dans des collections muséales et des expositions. Ainsi, il a su à décontextualiser la pratique du tatouage, la rendant accessible à un plus large public.
Tout en mettant en exergue le rôle singulier joué par Hardy, l’objectif de cette communication est de révéler l’existence d’un réseau de soutien et d’une « communauté légitimante », aidant à l’homologation du tatouage par le monde de l’art. En d’autres termes, il s’agira, à travers l’étude de ce cas particulier, de saisir les conditions et les modalités de ce passage à l’art du tatouage (les moyens mis en œuvre par des acteurs et des instances intérieures et extérieures à la pratique) ainsi que ses enjeux potentiels (transformation du statut du passeur et du médium qu’il transporte).