Abstract :
[fr] L’exposition On air a rencontré un succès indéniable, un succès de foule ; nombreux sont ceux qui s’y sont déplacé. Ce succès tient au fait que l’exposition se voulait ambitieuse, spectaculaire, ludique et participative, du fait notamment de sa configuration spatiale très travaillée. Avec On air, le spectateur comprend instantanément qu’il ne visitera pas une simple exposition : il pénètre dans un espace tissé de présences étrangères, un espace commun, un espace de composition entre des êtres humains et non-humains. Je ne reprendrai pas ici le détail des œuvres et des installations, mais j’évoquerai au moins deux moments décisifs de la scénographie : la première salle, avec la série Webs of At-tent(s)ion, où se trouvent les fameuses toiles tissées par les araignées, qui s’imposent comme des sculptures naturelles tridimensionnelles éclairées par des projecteurs, et une autre salle se situant plus loin dans le parcours, répondant directement à la première, ne fût-ce que par inversion chromatique, où est installée une toile artificielle constituée de cordes de polyester et de nylon, à laquelle s’articule un système complexe de sonorisation, et dans laquelle les spectateurs sont invités à se déplacer, créant par leurs mouvements une composition sonore collective (Algo-r(h)i(y)thms). Dans les autres salles du Palais, on trouve de nombreuses installations sonores ou visuelles, des espaces de création ou d’imagination (les participants peuvent par ex. tenter de conceptualiser des modes de vie aériens futurs) et des documents détaillant – dans un format très scientifique et technique – les différents projets menés par Tomás Saraceno et son équipe. Ceux qui n’auraient pas eu le temps ou la patience de lire sur place l’entièreté des cartels (c’est mon cas), auront certainement perdu en informations et en compréhension, mais auront sans doute vécu néanmoins une expérience esthétique forte et troublante. J’y ai tout de même éprouvé un léger malaise, duquel j’ai choisi de partir pour ma lecture : l’exposition est bondée, elle attire, elle est dans l’air du temps (sans mauvais jeu de mot), mais à la fois, paradoxalement, comme en sourdine, on éprouve une impression de solitude. Ce n’est pas une impression en soi désagréable : on se trouve dans le noir la plupart du temps, on ne distingue pas toujours les visages des autres spectateurs, et malgré le monde, on a l’impression de traverser un espace un peu désolé, autonome, c’est-à-dire qui fonctionnerait ou se maintiendrait en dépit de notre présence, un espace qui ne nous semble pas adressé. Pour ajouter à cette impression de mise à l’écart, l’exposition, qui requiert pourtant vraiment les enfants, s’avère exigeante ; sa lisibilité n’est pas évidente. On se demande par moments qui est et où est l’artiste derrière tout ça. Où est l’artiste derrière « l’exposition des araignées ».