Abstract :
[fr] Dans la Critique de la raison pure, Kant traite de la stupidité (Dummheit) comme d’un défaut naturel. Il semble alors faire le partage entre une élite bien née, apte au jugement, et des stupides incurables. Cet article conteste cette lecture en suggérant que l’effectivité du jugement implique chez Kant une certaine maturation empirique et que, loin d’être congénitale, la stupidité procède d’une rupture avec l’expérience dont la société bourgeoise et l’école sont directement responsables. Il souligne aussi qu’à côté de la stupidité se tient en 1781 une seconde forme de bêtise, l’obtusion (Stumpfheit), étroitesse de vue produite par l’attention exclusive au concret. En 1784, la bêtise du « mineur » combine l’une et l’autre : détourné de tout rapport subjectif et expérientiel avec la pensée, le « mineur » est empêché d’étendre le champ de sa réflexion au-delà de la doctrine que son tuteur lui impose. C’est contre cet abêtissement et pour la restauration d’un authentique « jeu des facultés » que doit travailler la raison philosophique, dans un cadre politique et académique, insiste Kant, qu’il revient à l’État de garantir.
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