Abstract :
[fr] Notre intervention cherchera d’abord à proposer un cadrage théorique de la notion d’« énonciation pandémique », en l’abordant plus précisément pour son lien avec les sites d’inscription urbaine. La pandémie de Covid-19 a en effet donné lieu à une abondance d’écrits dans l’espace public urbain, qui méritent d’être interrogés d’un point de vue énonciatif : l’ancrage déictique, la construction identitaire d’instances plus ou moins instituées, mais aussi les rapports avec les matérialités et les gestes d’inscription. Ce cadrage théorique sera mis à l’épreuve d’un corpus précis d’inscriptions urbaines associées à la pandémie et collectées à Liège entre mars 2020 et avril 2021 (environ 250 écrits photographiés). Cette collecte s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste de cartographie des écrits de rue, dont on explicitera la méthodologie et les enjeux généraux. Dans un premier temps, ce corpus sera abordé d’un point de vue quantitatif, qui permettra de pointer quelques grandes tendances (notamment liées à la géolocalisation des inscriptions), mais aussi de marquer les limites d’une approche qui, dans le cas des énonciations pandémiques, peut conduire à des résultats trop attendus : il est clair en effet que le contexte sanitaire a produit une hypertrophie des inscriptions injonctives, associées en particulier aux lieux où il s’agit de régir les comportements des usagers de l’espace public. Dès lors, notre intervention consistera ensuite à rendre compte, de manière plus qualitative, de la façon dont la pandémie a ouvert le champ du scriptible urbain et a donné lieu à une large gamme de variations rhétoriques. Ces variations permettront, en conclusion, d’interroger deux caractéristiques souvent associées aux écritures de rue : d’une part leur lien avec une événementialité identifiable et situable, d’autre part leur lien avec des identités énonciatives construites comme « délinquantes », « marginales » ou « contestataires ». En effet, d’une part les énonciations pandémiques, étalées sur plus d’un an de vie urbaine, sont désormais inscrites dans le tissu quotidien de nos expériences de la ville ; d’autre part elles donnent à voir des instances « citoyennes » ordinaires, qui sont généralement peu représentées en position d’énonciateur actif dans le discours urbain.